22/09/2012
Handisport ou la capacité à faire face
Quand on voit ces multi-amputés courir avec leurs prothèses, ces malvoyants taper le ballon ou réaliser comme notre championne Najat El Garaa, de magnifiques lancers de disque, on ne peut qu'être submergé par l’admiration. Et de se demander comment ils font, comment ils ont fait pour passer outre leur handicap et ne pas laisser celui-ci être leur geôlier.
Dimanche dernier, le rideau est tombé à Londres sur les plus grands jeux paralympiques jamais organisés. Présent pour la huitième fois, le Maroc n’a pas démérité, même s’il a fait moins bien qu’à Pékin en 2008. Avec un classement à la 37e place sur 164 et six médailles à son palmarès, sa délégation est revenue la tête haute. Ses performances ont aidé à effacer l’amertume laissée par l’épisode peu glorieux de la participation nationale aux Jeux olympiques, tenus un mois plus tôt dans cette même capitale britannique. Que l’on se souvienne : outre qu’ils ne se sont pas bousculés sur les podiums (une médaille de bronze), trois des athlètes représentant le Maroc à Londres s’étaient faits épingler pour dopage, renvoyant ainsi une image déplorable du sport marocain. A cette obsession de la victoire à n’importe quel prix, les sportifs marocains souffrant d’un handicap ont, pour leur part, opposé une volonté toute aussi farouche de gagner mais dans le respect des valeurs qui fondent la compétition sportive. Surtout, à l’instar des autres participants à ces jeux paralympiques, ils ont administré de formidables leçons de courage à tous ceux qui ont eu le loisir de suivre leurs exploits sur place ou à travers le petit écran. Et ils étaient nombreux. Près de quatre milliards espérés par les organisateurs !
En effet, en ces temps de crise marqués par l’angoisse du lendemain, quel meilleur antidote à la déprime que la vue de ces hommes et de ces femmes atteints durement dans leur intégrité physique ou mentale mais qui, malgré ou à cause de cela, réalisent des exploits admirables. Les performances présentées laissent confondu par la pugnacité et, quitte à se répéter car il n’est pas d’autre mot, le courage de ces êtres d’exception. Combien de tonnes en faut-il, en effet, quand on se retrouve privé de sa motricité ou de l’un ou de l’autre de ses sens, pour se relever et entreprendre de se battre au-delà des limites du pensable ? Quand on voit ces multi-amputés courir avec leurs prothèses, ces malvoyants taper le ballon ou réaliser comme notre championne Najaat El Garaa, de magnifiques lancers de disque, on ne peut qu’être submergé par l’admiration. Et de se demander comment ils font, comment ils ont fait pour passer outre leur handicap et ne pas laisser celui-ci être leur geôlier. Ces jeunes filles au visage enfantin qui, avec leurs prothèses métalliques, filent avec la grâce d’une gazelle, par quel miracle se sont-elles muées en héroïnes, acclamées par des dizaines de milliers de spectateurs, elles que le désespoir le plus noir aurait pu engloutir et condamner à jamais à rester en marge de la vie ? D’où cette question, première et fondamentale : pourquoi certains, quelle que soit l’épreuve, trouvent toujours en eux la force de se battre quand d’autres succombent devant des peccadilles ? En vérité, plus que l’intelligence ou la richesse, la plus grande des inégalités se situe à ce niveau.
Au niveau de ce ressort intérieur qui vous fait vous relever quoi qu’il vous arrive. «Si tu tombes à terre, il faut d’abord que tu trouves en toi la force de te redresser. Une fois debout, on peut te donner des béquilles pour avancer. Mais pas avant. Avant, c’est à toi seul qu’incombe l’effort», aimait à nous répéter mon père. C’est si vrai ! Certes, l’accompagnement a son importance. Sans leurs prothèses, ces jeunes coureuses amputées n’auraient jamais pu sprinter. Mais sans leur force intérieure, elles ne se seraient jamais retrouvées sur une piste de course. Ce qui est valable au niveau individuel l’est également sur le plan collectif. Certaines nations, quoique dépourvues de richesses naturelles, s’en sortent mieux que d’autres, pourtant mieux nanties. Quand on cherche le secret de leur réussite, on constate qu’il réside en premier lieu dans la culture qui imprègne leur peuple et les fondamentaux sur lesquels repose son éducation. Quand on vous inculque dès votre plus jeune âge que ce que sera votre destin est d’abord tributaire de vous, que c’est à vous de faire de votre vie ce que vous voulez qu’elle soit, vous êtes mieux armé pour vous en sortir que lorsque vous vous vivez comme un fétu livré à la force des vents. Pour ce qui nous concerne, qu’est-ce qui prédomine autour de nous ? Une propension gravissime à la déresponsabilisation et au fatalisme. La faute est toujours à l’autre et au destin. C’est Dieu qui donne et reprend. Et ainsi de suite … Comment dès lors faire face à un monde où tout va de plus en plus vite, où il faut, plus que jamais, savoir rebondir et se réinventer ? La magnifique leçon de vie offerte par les acteurs de ces jeux paralympiques qui ont troqué leur peau de victime contre celle de dieu du stade est à méditer.
20:09 Écrit par OUTALHA dans societe, Sports | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
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LE SANGLOT DE L'HOMME MODERNE
Gérer l'incertain, sans même le penser est désormais la tendance et la ligne politique un peu partout à travers le monde. c’est peut-être une des conséquences de la crise que traverse l’humanité dans son combat quotidien pour affronter l’incertitude de l’avenir. d’où ce désordre dans la pensée qui marque le comportement politique et la gestion économique des affaires du monde.
"Penser l’incertain". Tel était le thème du dernier congrès des sociologues francophones tenu à Rabat au mois de juillet. Avec un intitulé pareil, on est généralement mal parti pour sortir avec des conclusions évidentes, et encore moins des recommandations à suivre, et ce, dans n’importe quel conclave scientifique. Pourtant, les sociologues, mais moins que les philosophes, trouveront toujours matière à moudre lorsqu’il est question de complexifier le réel pour mieux l’interroger. Ce fut le cas lorsque le congrès, dans ses conclusions, refila le bébé avec l’eau du bain à une autre discipline à créer : la sociopolitique de l’incertain. On ne saura pas en quoi une telle discipline serait à même d’appréhender l’incertain avec la certitude. Mais qu’importe, l’essentiel c’est de faire avancer la réflexion sur un concept aussi fascinant que celui de l’incertain. Selon un compte rendu de la presse, publié par un quotidien francophone de la place (du 9 juillet dernier), un des intervenants s’est étonné en pleine séance : «Je suis surpris que personne n’ait mentionné la sérendipité». Bigre ! Le lecteur curieux donna sa langue au chat et se précipita sur le dictionnaire. Mais peine perdu, ni le Robert, pourtant bien dodu, ni ses grands frères en sept volumes ne lui furent d’un quelconque secours.
On a beau avoir lu, on ne sait encore rien et on ne peut connaître tous les mots des autres. Mais une petite recherche sur le net a mis fin à ce bref moment d’inculture et sa sensation désagréable plantée dans l’esprit du lecteur curieux telle une écharde dans la paume de la main. La sérendipité (que cet inculte de correcteur de l’ordinateur vient de souligner en rouge) est un mot dérivé de l’anglais “serendipity”. Serendip est l’ancien nom du Sri Lanka, et d’après un conte traditionnel persan, «Les Trois Princes de Serendip» de Horace Warpol (1754), les héros étaient tout le temps en train de trouver par accident ce qu’ils ne cherchaient pas. Fiat lux ! La lumière fut et tout devient clair. On donnera à ce mot, par extension, d’autres sens au figuré comme le fait de trouver une information par hasard, ce qui est le cas de cette chronique avec ce mot tant cherché et recherché. On peut aussi le placer en parlant de la chance en matière de recherche scientifique et d’exploration : cas de Pasteur ou de Christophe Colomb. Bref, la sérendipité c’est que du bonheur, comme disent les gens qui prennent tout ce qui vient du bon côté. Finalement, c’est une bonne idée de penser l’incertain. On peut trouver des choses auxquelles on n’avait pas pensé auparavant si l’on a de la chance, même si Pasteur précisément, qui avait trouvé le vaccin contre la rage, disait que la chance favorisait les esprits préparés. Comme quoi, il faut y aller avec des biscuits sinon, sans la sérendipité, on en revient complètement dépité.
Qui cherche trouve, dit l’adage. Oui mais, les chercheurs qui trouvent, comme dirait le général De Gaulle, on en cherche, alors que les chercheurs qui cherchent on en trouve. L’art de trouver ce que l’on ne cherchait pas est souvent cultivé par ceux qui croient en leur chance et de plus en plus par ceux qui parient sur le profit aux dépens des autres. Prenez les traders responsables de la crise financière qui, eux, n’ont pas pensé l’incertain mais l’ont géré. C’est un jeu de casino qui consiste à parier sur l’incertitude du marché, la peur, la versatilité. Autant de sentiments fragiles, humains, trop humains et improbables. Gérer l’incertain, sans même le penser est désormais la tendance et la ligne politique un peu partout à travers le monde. C’est peut-être une des conséquences de la crise que traverse l’humanité dans son combat quotidien pour affronter l’incertitude de l’avenir. D’où ce désordre dans la pensée qui marque le comportement politique et la gestion économique des affaires du monde. Dans ce monde où l’illusion de la transparence et celle des libertés cachent mal une confusion des sentiments d’insécurité et de peur. Plus on est informé et moins on est rassuré et plus on s’exprime librement moins on a le sentiment d’être entendu. A l’effet, on cherche la cause dans une vaste et vertigineuse interrogation où se mêlent la peur et les pleurs. Le sanglot de l’homme moderne ? Pourtant déjà au milieu du XIXe siècle, voici ce que le grand Victor Hugo écrivait dans Les Contemplations dans un poème intitulé "Pleurs dans la nuit" :
L’effet pleure et sans cesse interroge la cause.
La création semble attendre quelque chose.
L’homme à l’homme est obscur.
Où donc commence l’âme ? Où donc finit la vie ?
Nous voudrions, c’est là notre incurable envie,voir par-dessus le mur.
20:07 Écrit par OUTALHA dans Politique, societe | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
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