Pourquoi cette levée de boucliers chez certains nantis contre la taxation, exceptionnelle et limitée dans le temps, des hauts revenus ?

22/09/2012

LA TRANSPARENCE COMMENCE PAR LA SINCERITE DE L'INFORMATION

Au-delà d'un nouveau modèle à confectionner, la transparence a une exigence préalable : la sincérité de l'information financière produite et diffusée par l’administration des finances publiques.

La question de la transparence du budget est d’une ardente actualité. Les dispositifs financiers de la nouvelle constitution, l’imminence de la réforme de la loi organique des finances confirment la pertinence du débat sur ce thème à la fois complexe et d’une grande sensibilité. Au-delà d’un nouveau modèle à confectionner, la transparence a une exigence préalable : la sincérité de l’information financière produite et diffusée par l’administration des finances publiques. C’est que la notion de «transparence» recouvre deux acceptions. La transparence administrative, c’est-à-dire le fait pour l’administration de porter à la connaissance du public les informations dont elle dispose. La transparence du fonctionnement de l’administration, c’est-à-dire le fait que l’administration rende des comptes sur les informations (coûts, fonctionnement, performances…).

De récurrentes controverses publiques mettent en évidence que l’information financière ne répond pas aux aspirations et aux besoins des responsables publics, des médias, des chercheurs et des citoyens: l’insuffisante connaissance de la situation réelle des effectifs publics et des rémunérations, le manque de transparence dans la gestion de l’emploi public, la fréquente transgression des règles juridiques fondamentales concernant les rémunérations, plus particulièrement les indemnités. Ces pratiques sont rendues possibles par deux phénomènes qui se renforcent mutuellement: la «culture du secret» du ministère de l’économie et des finances, d’une part, et, le manque de contre-expertise indépendante, d’autre part. Elles nourrissent des mouvements de défiance de l’opinion publique qui y voit une action délibérée de l’exécutif de ne pas diffuser des informations sur les finances publiques pourtant en sa possession, voire de «fausser» l’information sur les comptes publics. Elles alimentent le malaise ressenti par le Parlement en matière d’information économique et financière.

Les lacunes de l’information statistique relative aux finances publiques ne sont pas à démontrer. Quelques exemples : l’imprécision de l’information relative aux recettes et aux dépenses publiques, notamment les données infra-annuelles sur les dépenses ; le refus de diffusion des fichiers (évidemment« anonymisés») sur les données fiscales ; les lacunes sur la comptabilité patrimoniale ; l’absence de rapports de performances pertinents, ce qui fait que la confection d’indicateurs de résultats s’apparente plus à un exercice formel qu’à un suivi rigoureux des objectifs. Toutes ces insuffisances ne permettent pas des débats parlementaires éclairés et ne facilitent pas le contrôle externe de l’administration et encore moins l’évaluation des politiques publiques.

L’information fiable en matière de finances publiques est un devoir éminent de l’Etat à l’égard de tout citoyen et de la représentation nationale. Critère déterminant pour la transparence des comptes, le principe de sincérité implique que la comptabilité publique donne des «informations adéquates, claires, précises et complètes». Les entorses à ce principe de sincérité ne résultent pas toujours d’infractions  comptables à proprement parler; il peut en effet s’agir de manipulations comptables régulières, mais visant à dissimuler certaines opérations financières, ou à jouer sur l’imputation de celles-ci. Ces manipulations peuvent en particulier être décidées afin d’afficher un solde budgétaire conforme aux objectifs fixés. Il faut reconnaître que les principes d’universalité et d’annualité sont mis à mal par des artifices destinés à amputer le Budget de l’Etat d’une partie de sa substance : l’usage des opérations des budgets annexes et des comptes spéciaux du Trésor est souvent abusif ; les reports de crédits risque deviennent un moyen, marqué d’opacité, de repilotage budgétaire. 

L’édiction d’une obligation de sincérité permettrait de contraindre l’exécutif à davantage de transparence. La révision prochaine de la loi organique de finances est l’occasion d’introduire dans la loi des articles spécifiques sur la sincérité des informations relatives aux ressources et des charges de l’Etat et aux prévisions. Ces considérations appellent à faire figurer dans le texte de la loi organique quelques exigences minimales d’information. Ainsi, les rapports économique et financier qui accompagnent les projets de loi de finances devraient être enrichies d’une présentation détaillée des budgets et, surtout, des hypothèses posées pour les construire. L’information fournie avec les projets de loi de règlement devrait mieux rendre compte de l’utilisation des crédits ouverts par les lois de finances. La nomenclature des crédits gagnerait en lisibilité en faisant référence à la finalité des dépenses. De nouvelles normes comptables de l’État rénoveraient les dispositifs de contrôle. La réforme de l’organisation financière du ministère de l’économie et des finances faciliterait  la tenue des comptes ministériels et  la maîtrise de l’exécution des lois de finances. De nouveaux systèmes d’information permettraient aux services déconcentrés d’optimiser le circuit de la dépense. Enfin, en faisant certifier les comptes de l’Etat par la Cour des comptes le contrôle parlementaire sur les finances publiques gagnerait en efficacité et en légitimité. Cette exigence démocratique de transparence sera le meilleur gage de la modernisation de la gestion publique et son incarnation dans une information systématique, exhaustive, claire et fiable.

19:44 Écrit par OUTALHA dans FINANCE | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | | |  Imprimer | |

17/09/2012

ANALYSE

Printemps arabe : quelles conséquences économiques ?

Les manifestations en faveur de la démocratie, le respect de la dignité humaine, la justice sociale et la fin du népotisme et de la corruption sont saluées par toute la communauté internationale. Si ces processus, qui prennent différentes formes selon les pays de la région, débouchent sur des systèmes économiques stables, les bénéfices sur le long terme seraient puissants.

 Mais il est à craindre une période d'agitation et de gestation qui pourraient durer.

Tunisie : une croissance affaiblie

J'étais en Tunisie en avril 2011 et j'ai assisté à des réunions publiques. Les Tunisiens sont en attente et se méfient de leurs dirigeants au point de sortir dans la rue début mai. Ce qui a entrainé une sortie inattendue du gouvernement annonçant le report des élections. Des incidents violents ont éclaté le 9 mai, ce qui n'est pas de nature à rassurer les touristes et les investisseurs étrangers. Les phénomènes de contestation touchent tous les secteurs. La productivité va encore se dégrader. De nombreux foyers Tunisiens ne payent plus leurs factures de gaz et d'électricité "suivant" en cela les familles Ben Ali et Trabelsi dont les entreprises en furent exemptées.

D'après le gouverneur de la banque centrale (La presse du 27/04/2011), le taux de croissance du PIB devrait se situer entre 0 et 2%. Le nombre de demandeurs d'emplois a dépassé 700 000 contre 500 000 il y quelques mois. La situation en Libye (retour massif des Tunisiens), le ralentissement du secteur touristique, les réticences des investisseurs étrangers, la désorganisation des entreprises, des administrations et des banques en sont les facteurs explicatifs. Les Tunisiens discutent de la nouvelle constitution et cherchent un modèle approprié, mais il y a une prise de conscience d'aller vers un pays démocratique et une économie concurrentielle.

Les réserves de change sont passées de 6,5 Mds€ en début d'année à 5,5 Mds€ à fin avril 2011. Elles ne couvrent que 123 jours d'importations.

 Algérie : l'aggravation des déficits budgétaires

En Algérie, il suffit de manifester pour obtenir des augmentations de salaires de 50 à 100%. L'État a injecté 15 milliards de dollars de subventions aux produits de première nécessité. Dans certains secteurs les salaires étaient anormalement bas comme ce fut le cas dans l'enseignement, la santé...Mais il est à craindre une aggravation des déficits budgétaires sans que cela ne profite à toutes les couches de la population. Les dépenses publiques ont augmenté de 25% passant de 63 à 78,6 milliards d'euros.

L'État a débloqué 5,5 milliards de dollars pour la remise à niveau des PME/PMI. Cependant, la Confédération nationale du patronat algérien se plaint des contraintes qui pèsent sur celles-ci, notamment au niveau du foncier et la bureaucratie, rappelant que le secteur public national privé assure 76% des emplois.

Des mesures en faveur de l'accès au logement social sont en cours d'exécution. Les oligopoles qui dominent le marché des biens de consommation vont augmenter les prix. Ces mesures pourront pallier provisoirement les déséquilibres du passé mais ne sont pérennes.

Autres effets des incertitudes politiques, El Khabar et El Watan ont fait état de fuites massives de capitaux et d'une intense activité de spéculation sur le marché parallèle des devises. L'euro a atteint le chiffre de 140 dinars contre 100 sur le marché officiel.

Les incertitudes sur les revenus futurs liés aux exportations des hydrocarbures révèlent la fragilité d'un tel modèle. Les autorités algériennes parent au plus pressé et agissent sur des évènements de court terme. Mais il va falloir assurer l'avenir par une modernisation des structures économiques, une diversification de l'économie, actuellement dépendante du pétrole et du gaz, créer des PME viables et former massivement les jeunes dans les domaines techniques et technologiques.

D'après le FMI les évènements que connait la région MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord) se traduiront par une hausse des déficits budgétaires de 8%. Au Yémen le FMI table sur une baisse de la croissance de -2%.

 Égypte : la Lybie dévastatrice

En Égypte le secteur du tourisme est sinistré. Il fait vivre des millions d'Égyptiens. L'incendie d'une église copte le 9 mai n'est pas de nature à inciter les étrangers à investir en Égypte ou à s'y rendre pour le tourisme.

La crise libyenne aura des conséquences incalculables sur ce pays mais une Lybie sans Khaddafi est beaucoup plus prometteuse à long terme. A court terme, les conséquences sur les pays voisins sont catastrophiques. Le retour des travailleurs marocains, tunisiens et égyptiens notamment aggravera le chômage dans ces pays et réduira les transferts de leur épargne vers le pays d'origine.

 Maroc : des fragilités nombreuses

Le Maroc a opté pour un modèle économique tourné notamment vers les économies européennes.

Outre les exportations de produits agroalimentaires, les phosphates et quelques biens manufacturés, ce pays compte, pour équilibrer sa balance des paiements, sur le tourisme (5,28 Mds€ de recettes), les transferts des Marocains résidant à l'étranger (5,1 Mds€) et les investissements étrangers. Ce pays dépend aussi des importations d’hydrocarbures, de biens d'équipement et de consommation. Son industrie textile a souffert de la suppression des quotas au profit de la Chine, qui a inondé le marché marocain de produits made in China. 

Le Maroc a pris le virage de l'industrialisation, des énergies renouvelables, de la relance de l'agriculture (plan vert) et du tourisme. Cela s'ajoute aux efforts considérables en matière d'infrastructures et de développement des populations rurales. Mais beaucoup reste à faire au niveau de la gouvernance aussi bien du secteur public que du secteur privé. Dans une thèse de doctorat en 2000, j'ai dénoncé la corruption, les inégalités sociales et la pauvreté et plaidé pour une économie concurrentielle et transparente.

La formation d'ingénieurs et de techniciens intermédiaires et supérieurs doit compléter les formations en management. La formation professionnelle ne doit pas être le parent pauvre de l'enseignement.

L'extraversion de l'économie marocaine est entachée de fragilités que j'ai analysées dans mon récent ouvrage (voir En savoir plus). Cette économie subit de plein fouet les facteurs exogènes. Ainsi la crise financière et économique mondiale de 2007/2009 a impacté la capacité d'épargne des Marocains de l'étranger. Plusieurs d'entre eux sont au chômage et leur pouvoir d'achat s'est fortement détérioré. Il est à craindre une chute, ou au moins une détérioration de cette source de rentrées de devises. Des centaines de milliers de Marocains vivant en Espagne sont rentrés définitivement au pays.

 Tourisme : l'irrationalité des comportements

Les attentats de Marrakech montrent la difficulté de développer le secteur du tourisme, sans tenir compte de facteurs imprévisibles et aléatoires qui peuvent chambouler tous les plans à moyen et long terme. Le "client" du produit tourisme est versatile et extrêmement influençable.

Les révolutions tunisiennes et égyptiennes et les manifestations dans les autres pays du Maghreb sont à l'origine de la dégringolade de l'afflux des touristes français en Tunisie, au Maroc et en Égypte de respectivement 80%, 40% et 88%. Étant sur les lieux touristiques, on mesure l'irrationalité du comportement du citoyen européen fortement influencé par les images véhiculées par certains médias. Tous les pays que j'ai visités quelques jours après les attentats ont connu un retour à la vie normale rapidement. Les mesures de sécurité et la vigilance des citoyens empêchent la récidive.

Le Maroc s'est lancé dans un programme d'investissements en matière d'infrastructures touristiques dans le cadre du plan tourisme 2020. Complétant le tourisme à l'intérieur du territoire le choix a été fait de réaliser des stations balnéaires. L'objectif est d'augmenter les nuitées.

20:18 Écrit par OUTALHA dans ANALYSE | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | | |  Imprimer | |