23/09/2012
L’ANNEE OU LE ROI A FAIT ENTRER LE MAROC DANS UN NOUVEAU PROCESSUS DEMOCRATIQUE
Nouvelle Constitution avec plus de pouvoirs pour le chef du gouvernement, une stricte conformité aux résultats des urnes et des procédures de fonctionnement des institutions mieux encadrées.
On ne peut évoquer l’année 2011 sans l’associer à la promulgation de la nouvelle Constitution. Naturellement, nul ne peut le contester, ce n’est pas un acte improvisé, c’est le cheminement d’un long processus de réforme et de démocratisation qui a démarré il y a un peu plus de 12 ans. C’est aussi et surtout une réponse à des doléances exprimées par le champ politique et la société civile depuis les premières négociations sur l’alternance, au début des années 1990. Ce 1er juillet 2011 marquait donc une nouvelle ère. Ses contours vont se préciser moins de trois mois plus tard avec l’organisation des élections, de loin, les plus transparentes et les plus crédibles qu’ait connues le Maroc. Tout au long de cette année, entre deux anniversaires de son accession au Trône, le Roi avait multiplié les signaux. Ainsi, et comme la Constitution le stipule, un membre du parti classé en tête des élections sera chef du gouvernement. Le Roi ira même plus loin en désignant le secrétaire général dudit parti au poste. La méthodologie démocratique est respectée à la lettre et elle l’était déjà dans les faits depuis 2007, avec le gouvernement de Abbas El Fassi. Le chef du gouvernement désigné présente, un mois plus tard, son équipe au Roi qui valide son choix le 3 janvier. Mais même désigné par le Souverain, le gouvernement fraîchement nommé ne s’est pas tout de suite mis au travail. La logique démocratique devrait être poussée jusqu’au bout et, même nommé par le Roi, le gouvernement n’est entré en action qu’après l’approbation du Parlement, le 18 janvier. Le Roi avait promis de laisser le jeu démocratique se mettre en œuvre, il a tenu promesse.
Aujourd’hui, seul le chef du gouvernement occupe l’essentiel de la scène politique. Rien ne l’empêche d’exercer les larges prérogatives qui lui ont été confiées par la nouvelle Constitution. Les Marocains ont eu l’occasion de s’en apercevoir, par exemple, au moment de la nomination du nouveau directeur général de la Sûreté nationale, Bouchaïb Rmaïl, le 7 février 2012, en remplacement de Charki Drais, promu ministre délégué à l’intérieur. La procédure a été suivie à la lettre, le ministre de tutelle a proposé le nouveau directeur de la police au chef du gouvernement qui lui même l’a présenté pour nomination au Roi.
Nomination ? D’abord la loi organique, comme le veut le texte suprême
La même procédure sera appliquée le 11 mai, à l’occasion de la nomination des walis et gouverneurs. Dans cette même logique, il fallait attendre la promulgation de la loi organique relative aux nominations aux hauts postes de la fonction publique avant d’entreprendre toute action en ce sens. Et le temps nécessaire aura été pris pour cela puisque le texte a fait des va-et-vient entre Parlement, Cour constitutionnelle, puis, à nouveau Conseil du gouvernement, celui des ministres…
Là encore le message est clair, le texte et l’esprit de la Constitution doivent être appliqués jusqu’au bout. C’est d’ailleurs sans doute pour cette raison que le Souverain a tenu à désigner en tant que conseillers d’éminents juristes comme Abdelatif Mennouni, l’ancien président de la Commission consultative de la révision de la Constitution et Omar Azziman, lui aussi ancien président de la Commission consultative sur la régionalisation.
Le gouvernement exerce pleinement ses attributions
La Constitution le stipule : chef de l’Etat et chef du gouvernement, chacun travaille désormais dans le respect des prérogatives de l’autre. Le Roi continue à s’impliquer dans les domaines qui lui tiennent à cœur, ceux du développement social à travers l’INDH. Mais également ceux des grands chantiers structurants. Des domaines qui dépassent, par leur portée aussi bien temporelle que stratégique, les cinq années du mandat d’un gouvernement. Le Roi reste l’arbitre, le recours mais également celui qui impulse la dynamique des grands chantiers de développement ou celle de l’évolution des lois régissant la société. On l’a vu avec Tanger Med, par exemple, on l’a aussi vécu avec la nouvelle Moudawana, en 2004 ou encore la réforme du Code de la nationalité, en 2007.
Autre changement à retenir, la cadence des conseils des ministres a été relevée. Nous sommes passés d’une moyenne de deux réunions par an en 2007, trois entre 2008 et 2010 à quatre pour les six premiers mois de cette année. Même si ces conseils sont, selon la Constitution, destinés à entériner des décisions, textes ou plans d’ordre stratégique, le Roi, conscient des enjeux de transition pour un premier gouvernement, chapeauté par un parti sans expérience dans l’Exécutif et qui s’essaie aux nouveaux pouvoirs qui lui sont conférés, tient à accompagner la dynamique.
Enfin, autre message sans doute précurseur de la future installation du régime de la régionalisation avancée, ces conseils se tiennent désormais en dehors des habituelles capitales administrative et économique. Le Roi se réunit désormais avec les ministres, qui exercent désormais, tous, sans exception, pleinement leur attribution, à Nador comme à Oujda. Il n’hésite pas non plus à donner un coup de pouce à l’un d’eux quand la volonté de changement est sincère et manifeste. Cela a été le cas, il y a quelques semaines, lorsqu’il a donné son approbation et reçu les membres de la Haute instance du dialogue social sur la justice dont les membres ont été désignés par le ministre de la justice et des libertés.
Au final, le Maroc est entré dans une autre ère, celle où le Souverain a recadré les rapports entre les institutions tout en veillant à demeurer cet arbitre suprême auquel le recours est nécessaire quand les enjeux politiques, économiques ou sociétaux risquent de faire les frais de la subjectivité du politique. Il reste également, le Commandeur des croyants : vital, en ces temps de radicalisation à tout-va.
10:16 Écrit par OUTALHA dans MAROC, Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
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22/09/2012
Harcèlement sexuel, Quelle loi pour demain ?
Saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité par Gérard Ducray (secrétaire d'Etat au tourisme de 1974 à 1976 et ancien député UMP du Beaujolais), lui-même poursuivi pour harcèlement sexuel, le Conseil constitutionnel a rendu le 4 mai 2012 une décision qui a suscité, avec raison, le tollé des associations féministes. Il a en effet déclaré non conforme à la Constitution le délit de harcèlement sexuel défini par l'article 222-32 du code pénal comme "le fait de harceler autrui dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle", fait "puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende".
Le Conseil a, en effet, considéré que ce texte ne respectait pas l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme, ainsi rédigé : "La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une Loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée." Le Conseil constitutionnel, par ailleurs, a indiqué que sa décision, et donc l'abrogation du texte, étaient d'application immédiate - mettant ainsi fin à toutes les poursuites judiciaires initiées, comme aux affaires en cours devant les juridictions pénales.
On a ainsi pu voir, dès le 9 mai 2012, un homme poursuivi devant la 31e chambre du tribunal correctionnel de Paris bénéficier d'une relaxe, conséquence logique et imparable de la disparition immédiate du texte d'incrimination.
Il faut souligner ici la part de responsabilité de l'UMP dans cette situation désastreuse. En effet, lors du débat sur la proposition de loi relative aux violences faites aux femmes, en février 2010, l'Assemblée nationale avait adopté, à l'unanimité, une définition plus précise du harcèlement sexuel, alors défini par l'article 19 de la proposition de loi comme "tout agissement à connotation sexuelle subi par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant(...)". Mais le 16 juin 2010, lors de l'examen du projet de loi par le Sénat, Nadine Morano, secrétaire d'Etat chargée de la famille et de la solidarité, a soutenu devant la commission des lois l'amendement déposé par le sénateur François Pillet visant à supprimer cet article 19. C'est ainsi que le 24 juin 2010, sans aucune discussion, le Sénat a entériné l'amendement et le texte de l'article 222-33 est demeuré ainsi inchangé, pour être invalidé le 4 mai.
Aujourd'hui, tous les plaignants - essentiellement des plaignantes - se retrouvent dans une situation impossible quand aucune qualification pénale de remplacement, au vu des faits dénoncés, n'est envisageable - comme, par exemple, celle d'agression sexuelle. Reste alors, pour ces plaignant-e-s à engager une action en responsabilité contre l'Etat. A cet égard, il n'est pas inutile de rappeler que le Conseil d'Etat a jugé que l'Etat pouvait être déclaré responsable du fait de l'adoption d'un texte de loi dont les conséquences sont manifestement anormales pour une catégorie de citoyens même en nombre très réduit. Si, en l'espèce, il ne s'agit pas de l'adoption mais de l'abrogation d'une loi, un raisonnement par analogie doit pouvoir être appliqué.
Le harcèlement sexuel est une réalité dans le monde du travail, et la situation est telle depuis la décision du Conseil constitutionnel que le nouveau gouvernement doit s'atteler dans l'urgence (mais pas sans précaution ni garde-fou) à la rédaction d'un projet de loi permettant de redéfinir sa qualification. Ce projet doit pouvoir être adopté au plus vite par la nouvelle législature. D'autant que l'article L1153-1 du Code du travail, qui interdit "les agissements de harcèlement de toute personne dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d'un tiers (...)", est susceptible à son tour de faire l'objet d'une QPC avec transmission au Conseil constitutionnel, et le résultat que l'on peut imaginer.
Il est donc nécessaire de créer un nouvel article 222-33 du code pénal, et de modifier l'article L1153-1 du code du travail. La solution la plus simple serait, sans nul doute, de reprendre la définition du harcèlement telle qu'elle résulte de l'article 2d) de la directive de l'Union européenne 2006/54/CE sur l'égalité femmes-hommes, qui définit le harcèlement sexuel comme "la situation dans laquelle un comportement non désiré à connotation sexuelle, s'exprimant physiquement, verbalement ou non verbalement, survient avec pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité d'une personne et, en particulier, de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant". Ainsi, la sécurité juridique à laquelle tout justiciable (auteur et plaignant) a droit serait assurée, et le nouveau gouvernement montrerait à cette première occasion que son engagement pour les droits des femmes est réel et suivi d'effet.
21:12 Écrit par OUTALHA dans societe | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
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