10/01/2012
Berbères, Berbérophones, Berbéristes
Au Xe siècle, un biographe andalou, Ibn al Faradi, mentionne dans ses notices d’hommes illustres un tiers d’Arabes, le reste étant composé de Berbères et de convertis. Deux siècles plus tard, dans le même exercice, chez Ibn al Abbar, on note deux tiers d’Arabes pour seulement un tiers de Berbères.
Que s’est-il donc passé dans la Péninsule en deux siècles pour que le rapport numérique entre Berbères et Arabes s’inverse au profit de ces derniers ? Les faits connus auraient dû au contraire amoindrir encore plus la proportion d’Arabes : car il n’y a plus eu de peuplement arabe supplémentaire, alors même que les Berbères n’ont cessé de déferler sur la Péninsule, mercenaires Zénètes au Xe siècle, Almoravides Sanhadja au XIe, Almohades Masmouda au suivant…
Il s’est passé, au cours de ces siècles, quelque chose d’habituel dans le processus de civilisation : la sédentarisation, l’urbanisation, l’extension de l’écriture et du commerce, se sont faits au bénéfice de la culture dominante. En abandonnant le droit coutumier pour la charia, l’horizon tribal pour celui de l’Etat de Cordoue, l’économie en autarcie pour l’échange monétaire, les Berbères s’arabisèrent : dans leur langue, puis, quelques générations plus tard, dans leur identité. Et des tribus qu’on savait de science sûre amazighes devenaient, par cette alchimie, arabes.
Cet exemple montre l’extrême labilité des frontières « ethniques » dans les sociétés maghrébines traditionnelles. Fondées sur l’appartenance généalogique, le nasab, celles-ci pouvaient connaître des changements radicaux en termes de langue et de religion, tout en gardant le même substrat humain. Combien de tribus berbères, une fois arabisées – par le commerce, les alliances politiques, la sédentarisation dans les plaines – se découvraient des ancêtres himyarites ou de Mudar ? Au bout de quelques générations, seuls des généalogistes pointilleux allaient encore noter de tels « conversions »…Sur cette structure mentale propre, la modernité a sur-imprimé une autre manière d’identifier les populations.
Le positivisme scientifique, qui traita l’humanité comme un phénomène biologique, avança main dans la main avec la montée des nationalismes en Europe, unifiant les populations paysannes autour d’une culture centralisée. Lors de la colonisation, ce regard que les Occidentaux portèrent d’abord sur eux-mêmes, ils le projetèrent sur leurs sujets maghrébins.
On essaya ainsi de se figurer des types physiques arabe et berbère. On oublia cette bataille qui opposa, en 741, des Arabes à des Berbères : ces derniers se rasèrent la tête, pour pouvoir se distinguer de leurs adversaires…
Aujourd’hui, on voudrait faire d’une frontière très mouvante un axe racial ancien ; on tendrait à faire croire aux « Arabes » de Marrakech ou de Meknès qu’ils viennent, radicalement parlant, du Yémen, alors même qu’il y a encore quelques générations, leurs ancêtres parlaient berbère dans le Haut-Atlas ou le Tafilalet.
Distinguer entre Berbères, Berbérophones et Berbéristes, serait un utile exercice mental préalable à toute proposition publique.
La berbérité « raciale » est le produit d’une modernité politique et scientifique. Cette définition raciale, en se superposant aux identifications tribales, masque ce fait fondateur : tous les Marocains sont des berbères, racialement parlant, dans des proportions variées.
Les quelques dizaines de milliers d’authentiques arabes qui s’installèrent au Maroc contribuèrent surtout à « labelliser » d’une filiation bédouine la population locale. La « berbérophonie » dessine, à l’intérieur de cette masse humaine, les frontières d’un reliquat géographique et culturel. Ces frontières sont mouvantes. Régressant avec la modernité, elles peuvent enfin, aujourd’hui, se stabiliser et peut-être regagner du terrain.
Mais l’erreur serait de confondre ces berbérophones d’aujourd’hui avec une ethnie figée et cristalline.
Puisque la modernité refuse les Etats pluriels, disons qu’il y a au Maroc des berbères berbérophones et des berbères arabophones. Et la question ethnique n’est qu’un paravent pour le débat culturel et linguistique, qui nous concerne tous.
Le : 21 décembre 2011
20:38 Écrit par OUTALHA dans societe | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
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AU-DELA D'UNE SEULE FEMME
Franchement ça me dérange mais bon ! Peu importe que le gouvernement compte 30 ministres, une seule femme et pas beaucoup de jeunes, l'important est qu'il assume ses responsabilités.
Une gestation de 35 jours, une structure classique, une seule femme dans l’Exécutif, des départements de souveraineté, un rajeunissement partiel : le gouvernement Benkirane, 30e dans l’histoire du Maroc d’après-indépendance, est né le 3 janvier 2012 et à bien y regarder, il est non seulement dénué d’originalité par rapport aux précédents mais présente même une régression dans certains domaines.
Le précèdent gouvernement, par exemple, n’était pas surdimensionné avec ses 33 ministres, eu égard aux 30 qu’a atteint son successeur. Ce même gouvernement comptait dans ses effectifs 7 femmes et celui de 2002, 3 femmes, sachant que celui de 1998 déjà, en comptait 2. Enfin, en matière de fraîcheur, Driss Jettou avait innové il y a 9 ans déjà en proposant, en proportions, autant de profils jeunes et nouveaux que celui d’Abdelilah Benkirane.
Est-ce à dire que ce n’est pas bon, qu’il n’y a pas eu de changements, qu’il n’y a pas eu d’avancées ? Non.
La formation du gouvernement Benkirane s’est en fait conformée à un processus institutionnel obligatoire autant qu’à un nouveau cadre dans lequel les partis ont été appelés à prendre leurs responsabilités.
Dans le premier cas, le chef de l’Exécutif ne décide pas seul, car le chef de l’Etat, constitutionnellement, valide les profils, et le Maroc ne fait pas exception. Il y a donc eu tractations qui ont eu pour résultats, d’un côté, le maintien de Mustapha Ramid comme ministrable et la réduction des ministères de souveraineté -seulement 3 aujourd’hui- et de l’autre côté, des ministres délégués, connus pour leur expérience technique, qui ont été adjoints à des ministres politiques et des candidats qui ont été recalés pour manque de compétence.
CE SONT LES FORMATIONS DE LA MAJORITE QUI ONT PROPOSE LEURS HOMMES
ET SURTOUT N’ONT PAS PROPOSE LEURS FEMMES ET LEURS JEUNES
Dans le 2e cas, celui de la responsabilité des partis, ce sont d’abord les formations de la majorité qui ont proposé leurs hommes et surtout n’ont pas proposé leurs femmes et leurs jeunes. Ce sont également les formations de la majorité qui ont tenté de placer des candidats non valables dans un but de renvoi d’ascenseur qui ne cadre pas forcément avec l’intérêt du pays.
Dire donc que rien n’a changé serait réducteur.
Le gouvernement Benkirane est à la fois le fruit d’un compromis naturel où Monarchie et chef de gouvernement ont, chacun, eu des arguments et le résultat d’un processus politique où ce sont les partis eux-mêmes qui ont dessiné la trame de l’Exécutif.
Peu importe qu’il comporte 30 ministres et une seule femme. L’essentiel est qu’il assume ses responsabilités, comme le veut la nouvelle Constitution.
20:36 Écrit par OUTALHA dans MAROC | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
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