28/05/2012
Les béquilles de l'histoire
Ce qui manque encore a ces négociations sur le Sahara ? Un souffle de pragmatisme que l'envoyé spécial de l'Onu n'a pas su, ou voulu, trouver.
Peut-on indéfiniment avoir des rencontres informelles quand ces dernières ne reposent sur aucune plateforme concrète ? Après trois années d’un processus venu pallier le blocage induit par les positions figées, la question du Sahara a aujourd’hui besoin d’un nouveau souffle, d’une nouvelle approche.
Car, il faut bien le dire, le contexte dans lequel ces négociations ont été entamées n’est plus le même, alors que l’approche de l’ONU, elle, est restée inchangée. Alors que l’Afrique et le monde arabe vivent aujourd’hui au rythme de troubles politiques profonds, le représentant des Nations Unies non seulement n’arrive pas a imposer un cadre de négociations politiques concret mais fait montre d’une myopie étonnante (volontaire ?) à propos d’une question complexe qui agite la région depuis 35 ans.
Il conviendrait peut-être alors de rappeler à Christopher Ross que c’est le Maroc lui-même qui avait introduit, aux premiers jours de son indépendance, la question du Sahara devant la commission de décolonisation de l’ONU pour libérer un territoire alors occupé par l’Espagne. Il serait peut-être nécessaire de re-préciser que le Polisario est d’abord né d’un mouvement de protestation entamé par des étudiants sahraouis marocains, pour dénoncer les conditions de vie dans lesquelles vivaient les populations des provinces du Sud. On pourrait, aussi, gentiment demander à M. Ross de relire l’histoire très riche de cette période de la Marche verte pendant laquelle Algérie et Libye ont fait germer dans la tête des étudiants sahraouis cette idée d’indépendance d’un territoire qui n’a jamais fait l’objet d’une revendication auparavant, parce que faisant partie intégrante d’un pays qu’il connaît bien aujourd’hui et qui s’appelle le Maroc.
Tout cela, bien sûr, relève de l’histoire et M. Ross doit sans doute être préoccupé par le présent. Or, que dit le présent ? Il dit qu’en août 2008, un rapport indépendant avait montré, chiffres à l’appui, que l’indice de développement des provinces du Sud était de 0,729, bien supérieur au 0,672 que constitue la moyenne nationale pour tout le Maroc. Le présent dit aussi que les provinces du Sud sont parfaitement intégrées dans le Royaume avec une administration en ordre de marche, des représentants au Parlement, des plans de développement, une régionalisation avancée dont elles seront les premières à bénéficier et des instances en charge des droits de l’homme. Le présent dit aussi que beaucoup parmi ces rêveurs d’indépendance sont de froids calculateurs qui se promènent avec des cartes d’identité marocaines et profitent de cette nationalité tout en torpillant le pays. Le présent, M. Ross, exige une autre lecture, une lecture politique, qui s’appuie sur les béquilles de l’histoire et marche avec les pas de la réalité.
22:35 Écrit par OUTALHA dans international, MAROC, Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
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Quand les syndicats deviennent une arme aux mains des partis
Bien sûr, d’autres signaux ont suivi cette présence manifeste. Le lendemain, la presse de l’USFP consacre une couverture tout aussi inédite aux manifestations de la CDT. Une première, depuis que les deux organisations, l’USFP et la CDT, ont rompu les liens en 2001. Ce qui n’était qu’un signal s’est transformé, un peu plus de deux semaines plus tard, en un accord historique de coordination entre la CDT et la FDT, centrale affidée à l’USFP. «Ce n’est pas une initiative conjoncturelle, c’est un accord stratégique entre les deux syndicats. Et la première initiative des deux centrales (NDLR : une marche nationale commune le 27 mai à Casablanca) ne sera pas la seule, elle sera suivie par bien d’autres», affirme Abdeslam Khairate, secrétaire général adjoint de la FDT. En ce sens, les dirigeants des deux syndicats, Noubir Amaoui et Abderrahmane Azzouzi, ont même parlé, mardi 22 mai lors d’une conférence de presse, de l’éventualité, à terme, d’une réunification, cela va de soi, sous l’œil bienveillant de l’USFP.
Bien que la FDT continue à clamer son «indépendance», il s’agit, à ne pas s’y méprendre, d’un accord entre l’USFP et la CDT. Les deux y trouvent d’ailleurs leur compte : la CDT peut de nouveau s’appuyer sur un grand parti, quoique traversant actuellement des moments difficiles, et l’USFP est, depuis qu’elle a rejoint l’opposition, à la recherche d’un puissant relais syndical à même de réconcilier le parti avec sa base populaire. Qu’en est-il des autres centrales syndicales et formations politiques ?
L’UMT séduit l’opposition et la majorité
L’UMT est devenue l’objet de convoitises d’au moins trois formations politiques, le RNI, le PAM pour l’opposition et le PPS pour la majorité. Ce qui rend sa situation quelque peu délicate. Là encore, les multiples signaux qui émanent de part et d’autre ces derniers mois sont éloquents. Début février, la direction de l’UMT a tenu à être présente à la cérémonie d’ouverture du congrès du PAM à Bouznika. Elle a fait de même, moins de deux mois plus tard, en se rendant au congrès du RNI, fin avril dernier, au complexe Moulay Abdellah à Rabat. Cet échange d’amabilité entre les deux camps explique-il la décision du syndicat de mettre fin à la tentative de radicalisation de l’intérieur entamée par les militants d’Annahj (extrême gauche) depuis le dernier congrès de la centrale ? Difficile de l’affirmer ou de le confirmer. N’empêche, l’UMT a décidé de dissoudre la fédération régionale de Rabat et de radier trois membres du secrétariat national, Abdelhamid Amine, Khadija El Ghamiri et Abderrazak El Idrissi, également membres dirigeants d’Annahj. «Il faut rappeler, explique Mohamed Hakech, secrétaire général de la Fédération nationale de l’agriculture, FNA-UMT, que vers fin 2010, on a même parlé d’un rapprochement stratégique entre le PAM et l’UMT. Il ne faut pas non plus oublier que l’UMT et le PPS étaient très proches. Ils ont même mis au point une feuille de route pour leurs actions à venir».
Par contre, entre le PAM et l’UMT les choses n’ont pas dépassé le stade des intentions. Mais ce parti n’a jamais, pour autant, renoncé à se doter d’un prolongement syndical. L’éphémère alliance du G8 dans laquelle il côtoyait le Parti socialiste, et par conséquent son bras syndical l’ODT, devait lui en offrir l’occasion. Aujourd’hui, explique Mustapha Merizak, membre du conseil national du parti et secrétaire régional de Meknès, «le projet de doter le parti d’un prolongement syndical est toujours d’actualité. Sauf que le conseil national est partagé sur ce point. Une tendance est pour un rapprochement avec un syndicat déjà existant, l’UMT par exemple, une autre est pour la mise en place d’une nouvelle centrale. Mais rien n’est encore décidé. Une commission du conseil national devrait plancher sur la question dans les jours à venir». Le RNI caresse, à peu de choses près, le même projet.
Or, il ne faut pas oublier une réalité, affirme le politologue Mohamed Darif, «l’UMT a toujours veillé à rester loin des partis politiques. Il n’est donc pas évident qu’un parti cherche à se renforcer en se rapprochant de cette centrale. Cela d’autant que le syndicat a déjà vécu une expérience en ce sens avec l’UC. A une certaine époque, feu Mahjoub Benseddik, alors puissant patron du syndicat, demandait à ses militants de voter pour l’UC. (Ndlr : l’actuel secrétaire général de l’UC, Mohamed Abied était, lui-même un haut cadre de l’UMT). Mais l’expérience a tourné court. Il semble peu probable que le RNI ou le PAM puissent réussir là où l’UC a échoué». Les deux formations, qui ont toutes les deux opté pour la démocratie sociale comme idéologie politique, peuvent toutefois, reconnaît-il, bénéficier du soutien de la centrale de Miloudi Moukharik. L’inverse est tout aussi vrai. L’UMT, ne disposant pas, pour le moment, de groupe parlementaire à la deuxième Chambre a besoin d’un canal partisan pour appuyer des positions quand le gouvernement se décidera, ce dont il a l’intention, de présenter les projets de loi sur la grève, les syndicats et la retraite.
Schématiquement, abstraction faite du cas du PPS dont les militants évoluent également au sein de la FDT, trois des cinq centrales les plus représentatives, la CDT, la FDT et, dans une certaine mesure l’UMT, peuvent être considérées comme proches des partis de l’opposition. L’USFP, le PAM et le RNI en l’occurrence. Qu’en est-il du gouvernement ? Les liens entre partis et syndicats ne sont plus à démontrer. Mohamed Yatime, secrétaire général de l’UNTM, est également membre du secrétariat national du PJD et député du même parti à la première Chambre. De même pour Hamid Chabat, secrétaire général de l’UGTM, qui est à la fois député et membre du comité exécutif de l’Istiqlal. L’UGTM étant considérée depuis toujours comme organe parallèle de l’Istiqlal alors que l’UNTM et le PJD ont signé il y a quelques années un accord stratégique qui définit leurs rapports. Ceci d’une part. D’autre part, les deux centrales, l’UGTM et l’UNTM, ont conclu en juin 2010 un accord de coopération, «vu le rapprochement de leur référentiel et leurs objectifs ainsi que leur vision et leur analyse de la situation», précisent-ils dans ce document. «Cet accord a été dépassé plus tard, explique Abdelilah Hallouti, secrétaire général adjoint de l’UNTM, avec la conclusion d’une entente entre trois centrales, l’UNTM, l’UGTM et la FDT». Mais rien n’empêche sa remise à jour vu que le troisième partenaire, la FDT, se trouve désormais dans le camp adverse.
Les élections, la loi sur la grève... vont chauffer l’atmosphère
Naturellement, aucune des deux centrales, l’UNTM et l’UGTM, n’a intérêt à accorder un soutien inconditionnel au gouvernement, observe le politologue Mohamed Darif. «Nous avons tenu à garder une distance respectable avec le gouvernement. Nous allons le soutenir quand il y a un intérêt. Autrement, c’est selon les intérêts de nos militants», confirme Abdelilah Hallouti. Il avance d’ailleurs certains dossiers, comme la loi sur la grève, la loi organique des syndicats et la loi relative à la retraite sur laquelle son syndicat ne partage pas forcément la vision du gouvernement.
Globalement, si les partis ont besoin des syndicats pour assurer une présence auprès de la classe ouvrière et des couches populaires, les syndicats peuvent également bénéficier de l’appui de ces mêmes partis pour défendre leurs intérêts aussi bien au Parlement qu’auprès du gouvernement. La conjoncture actuelle accentue un peu plus cette donne.
La FDT, mais aussi l’UNTM, nous offrent encore une fois l’exemple de cette corrélation. Le syndicat affidé à l’USFP a proposé un amendement portant création d’un impôt sur la fortune lors du débat, dans la deuxième Chambre, de la Loi de finances. L’USFP saute sur l’occasion et critique sévèrement le gouvernement qui s’oppose à cette mesure. La majorité a pu, via le groupe istiqlalien, sauver la mise à l’Exécutif à la dernière minute en proposant un contre-amendement.
Autre exemple de ces accointances politico-syndicales, le PJD qui n’a toujours pas digéré le fait que des responsables des deux télévisions nationales se soient exprimés contre les cahiers des charges du ministère de la communication vient de rendre la monnaie aux responsables de la SNRT. Son antenne syndicale fraîchement créée au sein de la SNRT vient d’organiser, le 20 mai dernier, une rencontre dédiée aux conditions de travail dans le pôle public. Les différents intervenants ont dressé une situation pour le moins catastrophique de travail au sein de la SNRT. Autre exemple, qui date, lui, de l’ancien gouvernement : en 2008, la CDT avait décrété une grève générale le 21 mars alors que l’UGTM a appelé à en faire une journée nationale du travail. Ne parlons pas de l’implication récente du syndicat UGTM dans un procès qui concerne le fils de son patron.
Bref, la promulgation de la nouvelle Constitution avec les attributions expresses qu’elle accorde aux syndicats a encouragé ce rapprochement entre partis politiques et syndicats. L’accès du PJD au gouvernement a, par la suite, agi comme catalyseur pour le concrétiser. L’approche des élections n’est pas, non plus, étrangère à ce remue-ménage. Les élections professionnelles d’abord, qui donnent accès à la deuxième Chambre dans laquelle le PJD est faiblement représenté, et les élections locales et régionales, ensuite, où le tandem parti-syndicat pourrait jouer un rôle décisif surtout pour l’opposition.
22:30 Écrit par OUTALHA dans Politique, societe | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
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