22/09/2012
LE MAROC, GENDARME DE L'EUROPE , A QUEL PRIX ?
L'accord de réadmission des émigrés entre le Maroc et l'UE traîne depuis près de 12 ans. Les négociations sont au point mort. Hormis une petite contrepartie financière, l'accord avec l'UE ne présente pas de réels avantages pour le Maroc. Entre-temps, des accords bilatéraux avec l'Espagne, l'Allemagne, l'Italie, la France... continuent de régir les questions de l'émigration clandestine.
Ce que notre diplomatie pensait tout bas, Saâdeddine El Othmani l’a exprimé ouvertement devant le Parlement : en matière d’émigration, le Maroc refuse d’être le gendarme de l’Europe. Mardi, 23 juillet, lors d’un passage devant la Chambre des conseillers, le ministre des affaires étrangères a annoncé que «sur la question migratoire, le Maroc refuse de jouer le rôle de gendarme de l’Europe, et c’est la raison pour laquelle nous avons décidé de ne pas signer l’accord relatif à la circulation des personnes». Lequel accord comporte, selon le ministre, des dispositions «inappropriées».
Il faut d’abord préciser que le ministre s’est un peu emmêlé les pinceaux, en matière de sémantique. Il ne voulait certainement pas parler d’un «accord de libre circulation de personnes», qui n’est en fait pas encore un accord mais un processus lancé dans la foulée du printemps démocratique qu’ont connu certains pays de la rive sud de la Méditerranée. Saâdeddine El Othmani voulait parler en fait d’un «accord de réadmission» en négociation depuis plusieurs années entre le Maroc et l’Union européenne. Quoi qu’il en soit, c’est la première fois que le Maroc réagit de la sorte.
Cet accord de réadmission a été discuté pendant plus d’une décennie sans aboutir à du concret. C’était en effet vers la fin de l’année 2000 qu’un projet d’accord Maroc-Union européenne a été soumis, officiellement, aux autorités marocaines par la Commission européenne. Dans les faits, il s’agit d’une «communautarisation» d’une série d’accords et de conventions déjà conclus par le Maroc de manière bilatérale avec des pays européens. Le Royaume est déjà lié, en fait, par un accord de réadmission avec l’Espagne, l’Allemagne et l’Italie. Il a également signé un protocole de réadmission avec la France et des protocoles similaires avec la Belgique et les Pays-Bas. Tous ces textes, toujours en vigueur, portent sur les conditions de réadmission des émigrés clandestins d’origine marocaine interceptés dans les pays signataires. Ils ne posent pas de problème en soi, c’est plutôt leur remplacement par l’accord communautaire avec l’UE qui bloque. En effet, explique ce haut responsable des Affaires étrangères, «il y a certaines difficultés d’ordre technique notamment dans l’articulation entre l’accord Maroc-UE et les accords bilatéraux avec les pays partenaires». Mais, concrètement, que prévoit ce nouvel accord ? A quelles obligations soumet-il le Maroc ? Quels sont ses avantages pour notre pays ? Et surtout qu’est-ce qui a retardé sa conclusion, sachant qu’il fait désormais partie du package relatif au «Statut avancé» ?
Pour la réadmission des Marocains, le problème ne se pose pas
Les négociations étant secrètes, il est difficile de connaître les termes exacts de la version actuelle du projet de l’accord. Mais, selon la mouture initiale, le projet s’est fixé comme objectif d’«établir des procédures rapides et efficaces d’identification et de renvoi des personnes qui ne remplissent pas, ou ne remplissent plus, les conditions d’entrée, de présence ou de séjour sur le territoire du Maroc ou l’un des Etats membres de l’UE et faciliter le transit des personnes dans un esprit de coopération». Concrètement, comme le stipule l’article 2 de ce projet : «Le Maroc réadmet, à la demande d’un Etat membre de l’UE et sans formalités, toute personne qui, se retrouvant sur le territoire de l’Etat membre requérant, ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions d’entrée, de présence ou de séjour en vigueur, lorsqu’il est établi ou valablement présumé, sur la base du commencement de preuve fournie, la nationalité du Maroc». Premier hic, cette présomption ou début de preuve étant suffisante pour les Etats membres pour exiger l’extradition, pose un problème au Maroc puisqu’il doit à chaque fois produire, sans tarder, les documents nécessaires, pour prouver la nationalité de l’immigrant.
Faire le gendarme en contrepartie de quelques subsides et de visas pour étudiants et hommes d’affaires
Mais, globalement, pour ce qui est des ressortissants marocains, le problème n’est pas posé. «Contrairement à la réadmission des Marocains qui est réglée, c’est celle des ressortissants des pays tiers ayant transité par le Maroc qui ne l’est pas», affirme notre source. Là encore, «les moyens de preuve» sont l’un des points sur lesquels bute cet accord, précise ce haut responsable du ministère des affaires étrangères. Ainsi, le Maroc exige une preuve formelle que le clandestin candidat à la réadmission ait réellement transité par le Maroc. Une clause que l’accord ne prévoit pas. Les migrants clandestins des pays tiers, les Subsahariens particulièrement, représentent un problème pour les deux côtés. Or, pour Bruxelles, il ne peut y avoir d’accords séparés. L’accord de réadmission perd tout son intérêt lorsqu’il n’inclut pas la réadmission des ressortissants des pays tiers surtout dans les cas des pays de transit migratoire comme le Maroc. Notons que le projet d’accord en cours de négociation concerne non seulement les ressortissants nationaux et ceux des pays tiers, mais aussi les apatrides, qui «sont en possession d’un visa ou d’un permis de séjour en cours de validité émis par le Maroc».
Pour le Maroc, il n’est pas question de réadmettre aussi facilement les Subsahariens, qu’ils soient des clandestins ou ayant bénéficié d’un visa ou un permis de séjour marocain. Et ce, pour la simple raison que «pour que cet accord soit accepté, il doit être intégré dans une approche globale et régionale. Il faut que l’UE signe des accords similaires avec les pays de la région et avec les pays émetteurs de l’émigration clandestine», affirme notre source des affaires étrangères.
Or, pour le moment, l’Union européenne vise plutôt comme objectif de faire en sorte que le Maroc accomplisse deux missions principales. La première étant de retenir ses ressortissants dans son propre territoire. La seconde mission qui lui est assignée par cet accord est d’agir en sous-traitant sécuritaire, faire un travail de contrôle, de dissuasion, de traque et de reconduction aux frontières des ressortissants des pays subsahariens candidats à l’émigration vers l’Europe. En d’autres termes, être le gendarme de l’Europe, dans la rive sud de la Méditerranée. Avec bien sûr tout ce que cela suppose comme effort humain, coûts financiers et surtout une lourde facture à payer en matière des droits de l’homme.
Tout cela pour quelle contrepartie ? La Commission européenne, elle-même, reconnaît qu’au départ, l’approche de l’UE consistait à inviter les pays tiers à négocier un accord de réadmission sans leur offrir de contrepartie. Depuis, les responsables européens se sont ravisés. Les négociateurs de la Commission européenne mandatés par l’UE trimbalent désormais dans leur musette quelques mesures d’incitation. Des mesures d’assouplissement de visas (pour les professionnels et les étudiants) pour commencer et quelques subsides pour aider à la réintégration des nationaux réadmis et au refoulement vers leurs pays des ressortissants des pays tiers, les Subsahariens en l’occurrence.
Sauf que, côté financier, l’UE ne propose pas grand-chose, elle puise dans un budget très limité (54 millions d’euros par an) destiné initialement à financer des actions de coopération dans le monde entier, pour satisfaire les besoins d’une douzaine de pays et entités avec lesquels elle a engagé des accords de réadmission.
Bref, pour reprendre les termes de ce haut responsable des affaires étrangères, «pour le moment, l’accord ne présente pas de réel avantage pour le Maroc, il profite plutôt à l’Union européenne». Les négociations ne sont pas pour autant arrêtées. Il faut avouer, reconnaît la même source, qu’«il n’y a pas réellement de visibilité». Que faire alors ? «Nous attendons que l’Union européenne nous fasse des propositions», indique-t-on auprès du ministère.
Libre circulation au lieu de réadmission ?
Entre-temps, l’UE a décidé d’ouvrir des négociations avec certains pays de la rive sud de la Méditerranée -dont le Maroc- qui prévoit une possibilité de libre circulation des personnes. Ce dialogue a été entamé dans la foulée du printemps démocratique qu’ont connu certains de ces pays. «Ce processus prévoit, entre autres, la mobilité des personnes, pour encourager les pays du voisinage à mieux se développer et s’intégrer», confie ce haut fonctionnaire des affaires étrangères. C’est un processus décliné en trois dimensions, affirme la même source : mobilité, sécurité et migration. Mais, «pour le moment, nous n’en sommes qu’aux phases exploratoires de ce dialogue». Il semble toutefois que l’UE ait changé d’approche. «L’Union européenne propose une démarche plutôt équilibrée». Ainsi, contrairement aux accords de réadmission, ce dialogue propose ce qui a été désigné comme «migration circulaire». Il s’agit d’encourager les personnes à trouver un logement en Europe, mais aussi la paix et la sécurité sociale et jouir des droits des personnes installées. Cela devrait s’accompagner dans un premier temps par des mesures de facilitation des procédures d’octroi de visas. Il est prévu également d’aider les personnes émigrées à retourner dans leur pays, s’ils le désirent. La dimension sécuritaire, elle, est liée à la protection des frontières, à la lutte contre la migration clandestine et à la réadmission.
Pour les Subsahariens, le problème reste donc posé, aussi bien pour le Maroc que pour l’UE. Cette dernière envisage, et c’est une recommandation adressée, il y a un peu plus d’une année, par la Commission européenne à l’UE et au Conseil de l’Europe, d’axer sa politique de réadmission sur les principaux pays d’origine, plutôt que de transit, des migrants en situation irrégulière.
20:00 Écrit par OUTALHA dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
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La rentrée politique s’annonce mouvementée entre une majorité qui s’entre-déchire et une opposition qui se cherche
Une rentrée politique houleuse. Voici ce que prédisent les oracles partisans. Les états-majors partisans sont les premiers à le reconnaître : la rentrée politique et sociale sera mouvementée. «Attention, il y a intérêt à bien attacher sa ceinture», prévient ce ténor de l’opposition.
C’est sous un ciel bas et lourd que les politiques s’apprêtent à faire leur rentrée. L’été a résolument été celui des petites phrases assassines et des déclarations à l’emporte-pièce. De l’allégeance au partage des attributions en passant par l’interprétation de la Constitution et les rapports avec les conseillers du Roi, le parti majoritaire a mené une véritable communication … de crise. «En lieu et place de solutions à la crise économique que vit le pays et alors que les Marocains vont vivre des moments très difficiles, le PJD a tout fait pour détourner l’attention de son incapacité à trouver des réponses aux problèmes économiques et sociaux. Comment ? En faisant valoir la multiplicité des centres de pouvoirs, la difficulté dans les relations avec l’entourage Royal, en pointant les poches de résistance. A chaque fois, des poids lourds du parti du chef du gouvernement ont pris à témoin l’opinion publique pour signifier qu’on ne les laissait pas travailler. Oubliés les problèmes économiques graves, on ne parle plus que d’un PJD auto-érigé en victime», analyse ce politologue.
Les petites phrases de figures islamistes ont alimenté la chronique politique et les «une» de journaux assoiffés de sensations fortes. A Tanger, la crise politique a été évitée de justesse. Samedi 1er septembre, la soirée de clôture du 8ème Forum national de la jeunesse du PJD, qui devait avoir lieu sur une place publique de la ville du Détroit, a été interdite. En présence du chef du gouvernement et secrétaire général du parti de la lampe, elle aura finalement lieu, non pas en plein air, mais dans les murs d’une salle. 48 heures plus tard après cette interdiction qui a provoqué la colère des islamistes au pouvoir, le ministère de l’Intérieur sort de son mutisme pour justifier une décision «du ressort des autorités locales», prise au nom du principe d’impartialité et de garantie de l’égalité des chances entre les partis dans la course des élections partielles. Le 4 octobre, la circonscription de Tanger-Asilah va connaître l’organisation d’un scrutin très attendu, après l’invalidation de la liste PJD conduite par Najib Boulif.
Pas question dès lors d’offrir une tribune électorale prématurée et «tout bénéfice» à cette formation politique qui avait dépêché à Tanger, le temps d’un forum, le ban et l’arrière-ban du parti. Les secrétariats provinciaux de quatre partis de l’opposition –l’USFP, le PAM, le RNI et l’UC- ne s’y sont pas trompés et se sont empressés de rendre public, lundi 4 septembre, un communiqué conjoint pour «dénoncer la campagne électorale prématurée menée par les ministres du PJD à Tanger». «Sous prétexte d’une université d’été, le parti d’Abdelilah Benkirane ne s’est pas gêné pour faire campagne avant l’heure, usant de populisme et d’électoralisme et ce, en prenant pour cibles institutions et d’étranges poches de résistance», martèle cette figure tangéroise du Rassemblement national des indépendants avant d’annoncer que «la campagne électorale des législatives partielles du 4 octobre risque d’être très chaude».Chauds aussi les rapports entre les composantes de la majorité. Le journal porte-parole du Mouvement populaire est sorti de la réserve qui sied à un partenaire gouvernemental.
Laenser en punching-ball
des islamistes au pouvoir
«Nous ne nous tairons plus face aux attaques dont fait l’objet notre secrétaire général», a menacé dernièrement un éditorial d’Al Haraka. Mohand Laenser, le ministre de l’Intérieur et patron des Harakis, est en effet devenu le punching-ball des députés et ministres du PJD. Sur le mode de «ce n’est pas nous, c’est lui», les islamistes au pouvoir ont fait du locataire du ministère de l’Intérieur une sorte de force contre le changement. Dans leur édition du mardi 4 septembre, nos confrères d’Al Ahdath Almaghribya ont annoncé une réunion «urgente» qu’aurait tenue le chef du gouvernement avec le ministre de l’Intérieur pour «dissiper les nuages obscurcissant le ciel des relations entre le PJD et le ministre de l’Intérieur», notamment après l’interdiction de Tanger. Cela suffira-t-il à sauver une majorité minée par ses dissensions et ses divergences profondes, après seulement 8 mois d’exercice de pouvoir ? Les plus optimistes se contentent de soupirer, en croisant les doigts.
Une rentrée politique qui se fera aussi sous le signe de l’élection du prochain leader de l’Istiqlal, l’une des principales forces de la majorité gouvernementale. Le 22 septembre courant, les membres du Conseil national du plus vieux parti marocain doivent élire le successeur d’Abbas El Fassi. En attendant, une guerre fratricide oppose Abdelouahad El Fassi, le fils du père fondateur et Hamid Chabat le syndicaliste trublion. «Quelles en seront les conséquences sur le parti ? Réussira-t-il à rester une force solide de la majorité, capable de tenir la dragée haute au PJD ? Personne n’en sait rien. L’Istiqlal a tout intérêt à se préserver et les Istiqlaliens à sauver les meubles. Le pays a besoin de partis forts pour ancrer la démocratie car rien n’est jamais irréversible», soupire cet Istiqlalien, agacé de voir sa famille politique se donner en spectacle.
Sous la Coupole, l’activité parlementaire ne s’est pas interrompue. Le ministre de la Jeunesse et des Sports est attendu de pied ferme dans les prochains jours. Il s’expliquera, en commission, sur les mauvaises performances des athlètes marocains aux Jeux olympiques de Londres. Et dans l’attente de la nouvelle année législative et de la rentrée parlementaire- elle aura lieu le deuxième vendredi d’octobre, quelques jours après les législatives partielles de Tanger-Asilah- les députés de l’opposition sont sur les starting-blocks et beaucoup n’excluent pas une meilleure coordination de leurs groupes parlementaires. Les travées de l’Hémicycle promettent une poussée de fièvre.
19:49 Écrit par OUTALHA dans MAROC, Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
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