05/12/2012
LE DILEMME DE LA DROITE FRANÇAISE.
L’UMP qui a connu sa gloire avec Nicolas Sarkozy, perd pied à l’épreuve d’une élection, presque banale, celle de son président. Si le parti socialiste se présente comme un parti stable avec une gouvernance irréprochable et des traditions bien ancrées, à droite, c’est la mouvance permanente. Dans cette partie du paysage politique c’est l’instabilité la plus totale. Qu’est-il advenu du RPR ? Où est l’UDF ? Disparus sans laisser de traces.
Jean-François Copé était en compétition avec l’ancien premier ministre de Sarkozy. Il a gagné par 98 d’écart, ce qui a irrité son challenger qui a demandé une révision. L’ancien premier ministre de Jacques Chirac, Alain Juppé a été désigné comme arbitre. Sa commission a refait les calculs et a trouvé. J-F Copé est effectivement le gagnant.
Le contestataire se retrouvant démuni s’est retourné contre Alain Juppé l’accusant de Copéiste alors qu’auparavant, il jurait qu’il s’en tiendrait au jugement de la commission de Jupée en qui il a dit avoir entière confiance.
L’UMP ne s’en trouve pas mieux. Qu’adviendra-t-il de ce parti ? Les idées vont dans tous les sens. François Fillon peut s’en aller mais il ne s’en ira pas seul. Plusieurs députés pourraient le suivre et le groupe parlementaire UMP s’en ressentira.
La droite française est actuellement très éclatée avec plusieurs petits partis qui essaient de se distinguer les uns des autres. La politique française ne diffère pas trop de celle des pays dits en cours de démocratisation, pas au point d’être une république bananière, on glisse quand même. Tout cela laissera la scène politique libre au profit du PS et du Front national dont les scores évoluent à chaque élection.
La présidence de Nicolas Sarkozy avait donné une nouvelle identité à la droite en revendiquant le devoir d’évoquer tous les thèmes jusqu’alors accaparés par le Front national : la sécurité, l’identité nationale, l’immigration, la viabilité d’une société multiculturelle, la compatibilité de l’islam avec les valeurs républicaines. Ce fut alors le coup d’envoi pour qu’émerge une droite dite « décomplexée ». L’UMP né dans le contexte qu’on sait était une union de circonstance entre des sous-familles idéologiques -libérale, conservatrice et centriste – qui ne pouvaient durablement vivre sous le même toit. Elles n’étaient unies que par la capacité personnelle de l’ancien chef de l’Etat à en faire la synthèse par son charisme et sa personne. Apres son départ les divergences remontent à la surface. L’UMP tente donc de redéfinir ses valeurs et son positionnement dans le paysage politique Français. Demain, sans doute, c’est vers le courant centriste que convergeront les élus UMP qui refusent les orientations de Jean-François Copé.
Encore faut-il dire que ce centre-droit n’est plus la droite libérale traditionnelle. Fidèle à ses fondamentaux, économie de marché, intégration européenne et Etat minimum, celle-ci s’est aussi laissée entraîner, depuis la disparition de l’UDF, vers un conservatisme identitaire et social. Droite libérale centriste et droite nationale-conservatrice ou identitaire se partagent donc le champ de l’UMP. La seconde composante s’est engagée dans un processus qui, sous le couvert de la reconquête de l’électorat du FN, débouche sur un effet d’imitation dont rien ne garantit le succès.
Dans cette course-poursuite entamée depuis déjà vingt ans au moins, la quatrième droite des années 2000, nationale-populiste, néo-étatiste, oscillant entre laïcisme assimilationniste et ethno-différentialiste, le parti de Marine Le Pen donc, conserve l’avantage de l’antériorité et de la non-participation au système. La porosité des électorats UMP et FN est avérée. Toutefois, sur la sécurité, les électeurs les plus à droite préféreront le rétablissement de la peine de mort à la tolérance zéro, sur l’immigration, son arrêt total, voire l’inversion des flux migratoires, à la simple maîtrise des flux. Et sur l’identité nationale, l’affirmation de la fracture ethnique au nationalisme républicain et autoritaire de la Droite forte. Elaborer un nouveau « logiciel » idéologique susceptible de ramener la droite nationale-populiste à un étiage de l’ordre de 10 % est, pour l’UMP, un impératif. Par : Lhassan OUTALHA
Article publié dans Le Soir-echos: http://www.lesoir-echos.com
URL to article: http://www.lesoir-echos.com/le-dilemme-de-la-droite-francaise/idees/62183/
08:19 Écrit par OUTALHA dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
|
Imprimer | |
29/11/2012
La Palestine en quête d'un statut à l'ONU
Le 29 novembre 1947, la jeune Organisation des Nations unies adoptait le plan de partage de la Palestine en deux Etats. L'un, juif, fut proclamé quelques mois plus tard sous le nom d'Israël. L'autre, arabe, n'a pas vu le jour et son territoire n'a cessé de se réduire. A défaut d'être en mesure de corriger cette injustice, l'Assemblée générale de l'ONU aura au moins l'occasion, jeudi 29 novembre, de maintenir en vie le principe du partage, énoncé il y a soixante-cinq ans. Ses 193 pays membres doivent en effet se prononcer sur la demande d'élévation du statut de la Palestine d'entité observatrice à Etat observateur (ou Etat non membre) des Nations unies, c'est-à-dire le rang du Vatican. Cette requête a été déposée par Mahmoud Abbas, président de l'OLP et de l'Autorité palestinienne (AP), après l'échec de son plan initial visant à obtenir le statut d'Etat membre à part entière.
Lancé en septembre 2011, ce projet a vite avorté faute d'une majorité en sa faveur au sein du Conseil de sécurité, seul organe de l'ONU habilité à délivrer un statut de plein droit. Abbas eût-il réuni un nombre suffisant de voix que son initiative n'aurait pas eu plus de succès, les Etats-Unis ayant annoncé d'emblée qu'ils brandiraient leur veto en cas de mise au vote. Devant l'Assemblée générale, en revanche, où le veto n'existe pas, le succès d'Abbas est garanti. La Palestine y dispose en effet d'une majorité automatique d'une grosse centaine de pays, qui l'ont pour la plupart déjà reconnue comme Etat.
- Comment est née cette ambition ?
La démarche de Mahmoud Abbas, alias Abou Mazen, est le produit d'un paradoxe : jamais l'Autorité palestinienne n'a autant ressemblé à un Etat, en termes de savoir-faire, et jamais elle n'en a été aussi éloignée, en termes de maîtrise du territoire. Début 2011, alors que le projet d'une reconnaissance à l'ONU prend forme, la Banque mondiale et le FMI donnent leur blanc-seing au patriarche palestinien. Dans des rapports publiés coup sur coup, ces deux temples de la bonne gouvernance occidentale conviennent que l'entité établie par les accords d'Oslo dispose d'une administration suffisamment sophistiquée pour mériter le titre d'Etat. Un certificat de bonne conduite qui vient couronner le travail accompli par le premier ministre, Salam Fayyad, grand manitou de la modernisation des institutions palestiniennes.
Le problème est que cette machine tourne à vide. Le dédale de réglementations militaires israéliennes qui pèsent sur le quotidien des Palestiniens de Cisjordanie et la poursuite de la colonisation, qui les spolie de la terre sur laquelle ils espèrent déclarer leur indépendance, font de l'AP un "Etat-éprouvette". Une superstructure hors sol, dotée d'une maîtrise grandissante des compétences régaliennes mais privée du droit de les exercer.
La contradiction est d'autant plus cruelle que, avec Benyamin Netanyahou au pouvoir en Israël, à la tête de la coalition la plus à droite qu'ait jamais connu ce pays, toute perspective de relance du processus de paix semble illusoire. A la direction palestinienne, beaucoup estiment même que le paradigme d'Oslo a vécu. Qu'aussi longtemps que les négociations prendront la forme d'un tête à tête entre occupant (Israël) et occupé (Palestine), avec les Etats-Unis dans le rôle du facilitateur, ce processus ne pourra être que stérile car asymétrique. D'où la décision d'Abou Mazen de saisir l'ONU, pour desserrer le carcan d'Oslo, internationaliser sa cause et fixer, au moins sur le papier, cet Etat, dans les frontières de 1967 qu'Israël lui dénie.
- Quels gains Mahmoud Abbas peut-il en retirer ?
Voter pour l'admission d'un pays à l'ONU comme "Etat" n'implique pas de reconnaître cet Etat au niveau bilatéral. Les deux processus sont distincts. Si la France se décidait à soutenir la demande du patron de l'AP, elle ne serait pas obligée, le lendemain, de conférer à la représentation de la Palestine à Paris le rang d'ambassade. En revanche, une telle admission peut avoir des conséquences concrètes au niveau de l'ONU. La Palestine pourrait ensuite postuler à la totalité des agences qui lui sont rattachées, comme l'Organisation mondiale de la santé ou le Programme alimentaire mondial, avec une forte chance d'y être acceptée.
Cette perspective est inquiétante pour de nombreux pays occidentaux, qui redoutent une répétition du scénario Unesco : en représailles à l'admission de la Palestine comme Etat membre au sein de cette agence en charge de la culture et de l'éducation, en octobre 2011, les Etats-Unis ont cessé de la financer. Un manque à gagner équivalent à 22 % de son budget ! En théorie, également, la Palestine pourrait intégrer la Cour pénale internationale (CPI), comme l'a laissé entendre son procureur général, et donc y déposer plainte contre des responsables israéliens. Là encore, cette éventualité crispe de nombreux alliés de l'Etat juif. Au point que Nicolas Sarkozy, le premier à suggérer à Mahmoud Abbas de viser le statut d'Etat observateur, avait tenté de le faire renoncer par avance à toute saisine de la CPI. Les tractations devraient donc aller bon train d'ici jeudi 29 novembre pour obtenir des Palestiniens quelques discrètes assurances sur leurs intentions d'après-vote.
- A quels risques Mahmoud Abbas s'expose-t-il ?
Abrogation des accords d'Oslo, accélération de la colonisation, confiscation des droits de douane palestiniens et interdiction aux dirigeants de l'AP de sortir de Cisjordanie : l'éventail de représailles qu'agite Israël peut paraître dissuasif. Il ne l'est pas vraiment aux yeux des responsables palestiniens, qui ont déjà expérimenté nombre de ces mesures punitives. Même la note du ministère des affaires étrangères israélien suggérant de "renverser le régime d'Abou Mazen" ne les a pas fait douter. Ils savent qu'Israël aurait beaucoup trop à perdre du démantèlement de l'AP. Il se retrouverait avec la population de la Cisjordanie sur les bras, soit 2,5 millions d'habitants (1,5 million dans la bande de Gaza), dont il lui faudrait financer les besoins en matière de santé et d'éducation. Et il perdrait l'appui des services de police palestiniens, à qui il a efficacement sous-traité une partie de sa sécurité et de celle des colonies juives de Cisjordanie.
Le véritable risque qu'encourt Mahmoud Abbas est celui d'un désaveu des Européens lors du vote du 29 novembre. Alors que son rival du Hamas parade, fort de la "résistance" de ses combattants durant la récente guerre contre Israël et des attentions que lui ont prodiguées la dizaine de ministres arabes accourus à Gaza, le patriarche palestinien est sur la corde raide. Les quasi-visites de courtoisie que lui ont rendues Hillary Clinton et Laurent Fabius ont mis en lumière sa marginalisation croissante. Il a besoin d'un rapide succès, fût-il symbolique, pour reprendre pied sur la scène politique palestinienne.
Un soutien des grandes capitales européennes à l'Assemblée générale pourrait l'y aider et redonner un semblant de lustre au credo sur lequel il a bâti sa carrière : la résolution du conflit par la négociation, sur la base de deux Etats pour deux peuples. Une abstention de ces mêmes capitales enverrait un message rigoureusement inverse. Elle ferait l'affaire des radicaux des deux camps. Mahmoud Abbas, dont on a souvent dit qu'il était à deux doigts de démissionner, trouverait là une bonne raison de claquer définitivement la porte.
Chronologie
1974 L'OLP se voit accorder le statut d'observateur à l'ONU.
1988 A Alger, l'OLP proclame la création de l'Etat de Palestine sur les territoires occupés en 1967 par Israël (Cisjordanie et Gaza). Cet Etat est reconnu par une centaine de pays du Sud et du bloc soviétique.
1993 Signature des accords d'Oslo sur la pelouse de la Maison Blanche à Washington. Ils lancent le processus de paix entre Israël et les Palestiniens.
2000 Effondrement du processus de paix et début de la seconde Intifada, qui prendra fin en 2005 avec l'élection, à la présidence palestinienne, de Mahmoud Abbas.
2007 Le Hamas, victorieux un an plus tôt aux élections législatives palestiniennes, s'empare de la totalité du pouvoir à Gaza.
2008 Relancé un an auparavant à Annapolis (Etats-Unis), un nouveau processus de négociation israélo-palestinien s'achève sur un échec.
2011 Mahmoud Abbas demande l'admission de la Palestine comme Etat membre à part entière à l'ONU. Faute d'un soutien suffisant au sein du Conseil de sécurité, il opte un an plus tard pour le statut moins prestigieux d'Etat non membre.
10:37 Écrit par OUTALHA dans international, Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
|
Imprimer | |