Pourquoi cette levée de boucliers chez certains nantis contre la taxation, exceptionnelle et limitée dans le temps, des hauts revenus ?

07/12/2011

UN DEMI SIECLE

 L’unité de la soixantaine d’années passées est éclatante. Entre le milieu du XXème siècle et l’année 2011, la majorité des pays arabes vécurent sous des régimes similaires. Les différences entre Nasser, le Baas, le FLN ou Kadhafi sont minimes par rapport à de fortes convergences. Dirigisme économique, parti unique et culte du chef, mobilisation idéologique de la société… Ces points communs, s’ils sont multiples et divers, forment néanmoins un système cohérent.

Ces régimes furent une réponse au système libéral-colonial auquel ils succédèrent et auquel ils répondirent point par point : au libéralisme politique bourgeois, marqué par le multipartisme et la prééminence des notables, ils répondirent par le parti unique et le populisme idéologique ; au libéralisme économique, qui avantagea les bourgeoisies vivant d’import-export et les grands propriétaires terriens, ils substituèrent la réforme agraire, le protectionnisme douanier et le volontarisme industriel, le tout souvent alimenté par la rente pétrolière. Le libéralisme culturel, que portèrent les noms de Taha Hussein ou d’Ali Abderrazeq, mourut avec la mort du libéralisme politique, et une culture d’État, subventionnée et cadrée, prit sa place.

Légitimité populaire et souveraineté nationale

Mais ces trois dimensions, s’ils furent la réalité des politiques publiques appliquées par les régimes autoritaires  à leur début, ne faisaient pas leur légitimité. Celle-ci, indéniable, venait d’ailleurs. La légitimité de Nasser comme du Baas tenait à la double indépendance qu’ils voulaient pour leur nation. Indépendance extérieure, géopolitique : c’est elle qui explique les multiples bras de fer avec les anciennes puissances colonisatrices, le refus de l’alignement sur l’OTAN ou le Pacte de Bagdad, la recherche d’une autonomie régionale. Et indépendance intérieure, populaire : lutter contre les anciennes castes dominantes, c’était lutter contre la multitude de maîtres qui se sont succédé au Moyen-Orient, l’ottoman puis le franco-britannique, écrasant la paysannerie locale.

 

On comprend qu’Israël ait cristallisé une haine structurelle. Ce pays correspondit aux deux cauchemars dont ces régimes firent leur cause : l’interventionnisme occidental extérieur, et la domination socioéconomique et coloniale intérieure. Combattre Israël, libérer les Palestiniens, c’était refaire et confirmer les libérations singulières : celle de l’Egyptien, du Syrien ou de l’Irakien.

On comprend dès lors pour-quoi la défaite de 1967 fut fatale à Nasser et ferma la première époque de ces dictatures militaires. Toutes les énergies mobilisées en vue de combattre l’ennemi israélien, métaphore de toute l’arriération historique à laquelle il s’agissait de s’arracher, se dissipèrent suite à la défaite éclair. Celle-ci touchait au cœur de la légitimité de ces systèmes, de leur pacte implicite avec la souveraineté populaire qu’ils représentaient.

1967 et l’illégitimité des régimes

Entre 1967 et 1973, ces régimes auraient dû chuter, laisser la place à une nouvelle phase, peut-être même, déjà, démocratique et libérale. Il n’en fut rien. Les dictatures eurent quelques années pour se durcir, apprendre à vivre avec moins de légitimité populaire, ou en jouer. Sadat, Assad, Saddam Hussein, Kadhafi, régnèrent avec ce double reflux, de l’indépendance régionale et de la souveraineté populaire. C’est l’Egypte qui poussa le plus loin le retournement : faire la paix avec Israël, ce n’était pas seulement fermer un front militaire, mais renoncer à tout un pan de légitimité historique.

Absence de légitimité intérieure, absence d’indépendance internationale, la situation des régimes arabes qui sont tombés était à l’exact opposé de leur programme idéologique originel. Aujourd’hui que s’installent des démocraties, les deux questions n’ont pas tout à fait été réglées. La légitimité intérieure est désormais validée par l’exercice électoral, mais dans le jeu compliqué des alliances, il faut attendre quelques temps avant de voir fonctionner dans la durée cette légitimité populaire acquise ; quant à l’indépendance internationale, les tensions dans la région – avec l’Iran, avec Israël, avec un Occident dubitatif et sur la défensive devant le choix des urnes arabes – disent assez qu’elle n’est toujours pas gagnée.  

30 novembre 2011

17:51 Écrit par OUTALHA dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | | |  Imprimer | |

Modèle

La question des modèles se pose dans la plupart des pays ; en particulier, dans les anciennes colonies où la rémanence des références des anciennes métropoles, doublée de quelques coups bas destinés à perpétuer la dépendance sous une nouvelle forme, a longtemps offert l’économie d’une réflexion puisant ses racines et ses objectifs au niveau national ou régional.

A la lumière des dernières élections législatives au Maroc, les opposants au PJD ont tenté de casser le lien idéologique entre le parti marocain et son lointain cousin turc, en essayant de ne garder de cette unité référentielle fantasmée que le côté obscur. Non, la situation entre les deux pays ne souffre aucune comparaison ! L’idée était d’empêcher le PJD de tirer profit du succès des dix dernières années de l’AKP et de le réduire à un parti obscurantiste, sans prétention réelle.

La véritable question appelle à plus de nuance. Si le parcours de l’AKP est intéressant, il ne peut être dupliqué mécaniquement. Or, jamais le parti de Benkirane n’a prétendu cela.

Cependant, les sujets d’inspiration sont nombreux. Dans le rapport à la loi, qui doit s’appliquer de manière uniforme à tous les citoyens, ou encore dans la recherche du consensus et le respect des diversités, entre autres, les sujets ne manquent pas. A l’AKP, mais aussi dans notre propre patrimoine ainsi que dans notre évolution ; en particulier, ces dernières années.

Plus généralement, le modèle marocain, qui a encore prouvé ses spécificités dans l’histoire immédiate, doit s’imprégner profondément des attentes exprimées et les synthétiser, harmonieusement, à la lumière de toutes les expériences qui peuvent contribuer à lui donner la matière nécessaire pour affronter les échéances annoncées.

L’un des dangers qui nous guettent est celui du populisme qui nous ferait perdre le fragile momentum acquis et nous renverrait dans une configuration catastrophique.

Le seul rempart est donc la contribution la plus large ; chacun mettant ses idées, son expertise, au service de toute la nation, dans le respect de la pluralité des points de vue et de l’exercice de base de la démocratie.

6 décembre 2011

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