Pourquoi cette levée de boucliers chez certains nantis contre la taxation, exceptionnelle et limitée dans le temps, des hauts revenus ?

27/09/2012

POUR METTRE FIN AU DELIT DE FACIES

L'aval du premier ministre, Jean-Marc Ayrault, aux récépissés délivrés lors de contrôles d'identité par la police constitue une avancée importante. Si diverses communautés ont salué cette annonce, les syndicats de police ont fait connaître leur opposition face à ce qu'ils considèrent être une mesure précipitée et injuste, qui va entraver leur travail. En réalité, un mouvement s'est fait jour depuis un certain temps en France en faveur d'une réforme de la procédure du contrôle d'identité. Les pouvoirs trop larges accordés aux policiers en matière de contrôle des personnes sans soupçon raisonnable d'acte illégal ont conduit à des abus et ont alimenté le ressentiment, en particulier chez les jeunes issus des minorités.

Il est temps qu'une réforme vienne améliorer les relations entre la police et ces minorités, tout en assurant une action policière efficace. L'idée sous-jacente aux attestations de contrôle est simple : l'officier de police est tenu d'expliquer, sur place et dans un document écrit, la raison du contrôle d'identité, et la personne interpellée a droit à ce qu'on lui remette une preuve que la procédure a eu lieu. C'est un moyen d'améliorer à la fois l'efficacité de la police (devoir justifier le contrôle d'identité entraîne un usage plus judicieux de la mesure), et sa responsabilité (quiconque est interpellé sait comment et pourquoi la police est en train de faire usage de son pouvoir de contrôle de l'identité, et dispose d'une attestation qui facilitera le dépôt d'une plainte si la personne en question estime que ses droits ont été violés). C'est une bonne idée, qui est déjà appliquée dans d'autres pays avec des effets positifs.

Les inquiétudes selon lesquelles les attestations de contrôle empêcheraient la police de faire son travail ne sont pas fondées. En fait, l'expérience qu'en ont faite l'Espagne, la Hongrie, le Royaume-Uni et les Etats-Unis montre que l'utilisation d'attestations de contrôle peut contribuer à faire diminuer les interpellations arbitraires non fondées et augmentent le taux de "réussite", à savoir le pourcentage de contrôles débouchant sur l'application d'une loi, sous la forme d'une amende ou d'une arrestation. Pour dire les choses simplement, lorsque les policiers sont tenus d'expliciter les motifs d'une interpellation, les interpellations effectives deviennent à la fois plus justifiées et plus efficaces pour découvrir et prévenir les comportements illégaux.

Selon les policiers, la proposition d'émettre ces récépissés jette une suspicion infondée sur les forces de l'ordre. Pourtant, il existe des inquiétudes fondées de profilage ethnique et de pratiques abusives pendant les contrôles d'identité de la part de la police. Les données statistiques et empiriques laissent penser que les policiers prennent la décision de contrôler telle ou telle personne en fonction de son apparence, notamment ethnique, plutôt que du comportement réel de l'individu. Le fait d'être contrôlés de manière répétée ou d'être ciblés au sein d'une foule renforce chez les jeunes issus des minorités le sentiment d'être ciblés en raison de qui ils sont, et non de ce qu'ils font.

Les traitements irrespectueux et humiliants lors des contrôles d'identité sont un autre problème. Les dizaines d'adolescents et de jeunes adultes que j'ai interrogés à Paris, Lille et Lyon se plaignaient tout autant de la manière dont ils avaient été traités que du fait d'avoir été contrôlés. Beaucoup se sentent insultés par l'usage du tutoiement par les policiers à leur égard. Le ministre de l'intérieur, Manuel Valls, a rappelé aux agents de la force publique qu'ils sont censés recourir au vouvoiement.

Et alors qu'un simple contrôle d'identité ne devrait durer que quelques minutes et se résumer à la présentation de la carte d'identité ou autre preuve d'identité à la demande d'un policier, les jeunes issus des minorités sont soumis à des interrogatoires prolongés, doivent vider leurs poches, laisser fouiller leurs sacs et subissent des fouilles corporelles intrusives. Des témoignages font état d'enfants de 13 ans fouillés par palpation, mains au mur, jambes écartées.

De toute évidence, les contrôles d'identité abusifs nuisent aux relations entre la police et les communautés, ce qui, à long terme, paralyse la capacité de la police à détecter et prévenir la criminalité. Des relations tendues avec les communautés au sein desquelles ils travaillent rendent plus difficile encore le travail déjà stressant des policiers, enveniment leurs conditions de travail et leur moral, et parfois accroissent le risque pour ces derniers d'être mis en danger.

C'est pourquoi les attestations de contrôle devraient faire partie d'une série de mesures visant à lutter contre les contrôles d'identité abusifs. Jusqu'à ce jour, la police dispose de pouvoirs trop larges en matière de contrôle des personnes, y compris en l'absence de toute preuve ou indication de comportement illicite. Les policiers ont dès lors trop de latitude pour agir à leur entière discrétion, ce qui ouvre la voie aux abus. La loi devrait énoncer clairement que tous les contrôles d'identité doivent être fondés sur un soupçon raisonnable d'acte délictueux lié à un comportement effectif.

Les policiers ne devraient effectuer de palpations que lorsqu'ils ont des raisons concrètes de soupçonner qu'une personne transporte un objet dangereux ou illicite. Des règles spécifiques devraient être adoptées lorsque ces palpations corporelles concernent des enfants (une personne mineure). Accompagnée de directives claires, d'une formation appropriée et de l'obligation d'indiquer la base légale du contrôle d'identité sur le récépissé, cette réforme devrait aider à réduire les interpellations arbitraires qui nourrissent le ressentiment et gaspillent des ressources policières précieuses.

Des mesures concrètes visant à réduire les abus changeraient la vie quotidienne des gens. Les attestations de contrôle sont un élément important de cette équation. Un dialogue constructif avec la police et le démarrage d'un projet pilote dans une ville pourraient s'avérer nécessaires pour bâtir un consensus. Mais il devrait être clair pour chacun que combler le fossé qui sépare la police française et les jeunes des minorités nécessitera une approche globale, dont l'attestation est un élément.

18:35 Écrit par OUTALHA dans societe | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | | |  Imprimer | |

22/09/2012

Harcèlement sexuel, Quelle loi pour demain ?

Saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité par Gérard Ducray (secrétaire d'Etat au tourisme de 1974 à 1976 et ancien député UMP du Beaujolais), lui-même poursuivi pour harcèlement sexuel, le Conseil constitutionnel a rendu le 4 mai 2012 une décision qui a suscité, avec raison, le tollé des associations féministes. Il a en effet déclaré non conforme à la Constitution le délit de harcèlement sexuel défini par l'article 222-32 du code pénal comme "le fait de harceler autrui dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle", fait "puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende".

Le Conseil a, en effet, considéré que ce texte ne respectait pas l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme, ainsi rédigé : "La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une Loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée." Le Conseil constitutionnel, par ailleurs, a indiqué que sa décision, et donc l'abrogation du texte, étaient d'application immédiate - mettant ainsi fin à toutes les poursuites judiciaires initiées, comme aux affaires en cours devant les juridictions pénales.

On a ainsi pu voir, dès le 9 mai 2012, un homme poursuivi devant la 31e chambre du tribunal correctionnel de Paris bénéficier d'une relaxe, conséquence logique et imparable de la disparition immédiate du texte d'incrimination.

Il faut souligner ici la part de responsabilité de l'UMP dans cette situation désastreuse. En effet, lors du débat sur la proposition de loi relative aux violences faites aux femmes, en février 2010, l'Assemblée nationale avait adopté, à l'unanimité, une définition plus précise du harcèlement sexuel, alors défini par l'article 19 de la proposition de loi comme "tout agissement à connotation sexuelle subi par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant(...)". Mais le 16 juin 2010, lors de l'examen du projet de loi par le Sénat, Nadine Morano, secrétaire d'Etat chargée de la famille et de la solidarité, a soutenu devant la commission des lois l'amendement déposé par le sénateur François Pillet visant à supprimer cet article 19. C'est ainsi que le 24 juin 2010, sans aucune discussion, le Sénat a entériné l'amendement et le texte de l'article 222-33 est demeuré ainsi inchangé, pour être invalidé le 4 mai.

Aujourd'hui, tous les plaignants - essentiellement des plaignantes - se retrouvent dans une situation impossible quand aucune qualification pénale de remplacement, au vu des faits dénoncés, n'est envisageable - comme, par exemple, celle d'agression sexuelle. Reste alors, pour ces plaignant-e-s à engager une action en responsabilité contre l'Etat. A cet égard, il n'est pas inutile de rappeler que le Conseil d'Etat a jugé que l'Etat pouvait être déclaré responsable du fait de l'adoption d'un texte de loi dont les conséquences sont manifestement anormales pour une catégorie de citoyens même en nombre très réduit. Si, en l'espèce, il ne s'agit pas de l'adoption mais de l'abrogation d'une loi, un raisonnement par analogie doit pouvoir être appliqué.

Le harcèlement sexuel est une réalité dans le monde du travail, et la situation est telle depuis la décision du Conseil constitutionnel que le nouveau gouvernement doit s'atteler dans l'urgence (mais pas sans précaution ni garde-fou) à la rédaction d'un projet de loi permettant de redéfinir sa qualification. Ce projet doit pouvoir être adopté au plus vite par la nouvelle législature. D'autant que l'article L1153-1 du Code du travail, qui interdit "les agissements de harcèlement de toute personne dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d'un tiers (...)", est susceptible à son tour de faire l'objet d'une QPC avec transmission au Conseil constitutionnel, et le résultat que l'on peut imaginer.

Il est donc nécessaire de créer un nouvel article 222-33 du code pénal, et de modifier l'article L1153-1 du code du travail. La solution la plus simple serait, sans nul doute, de reprendre la définition du harcèlement telle qu'elle résulte de l'article 2d) de la directive de l'Union européenne 2006/54/CE sur l'égalité femmes-hommes, qui définit le harcèlement sexuel comme "la situation dans laquelle un comportement non désiré à connotation sexuelle, s'exprimant physiquement, verbalement ou non verbalement, survient avec pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité d'une personne et, en particulier, de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant". Ainsi, la sécurité juridique à laquelle tout justiciable (auteur et plaignant) a droit serait assurée, et le nouveau gouvernement montrerait à cette première occasion que son engagement pour les droits des femmes est réel et suivi d'effet.

21:12 Écrit par OUTALHA dans societe | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | | |  Imprimer | |