Pourquoi cette levée de boucliers chez certains nantis contre la taxation, exceptionnelle et limitée dans le temps, des hauts revenus ?

07/12/2011

ISLAMISTES AU MAROC : POURQUOI UN TEL SUCCES ?

Le parti islamiste a su construire une base populaire solide.

Suite au large succès du Parti pour la justice et le développement (PJD) lors des législatives au Maroc, on peut penser à un vote résultant d’un effet de mode, suite au Printemps arabe qui a vu l’émergence d’un islamisme politique comme une force avec laquelle il faut compter. Certes, le succès du «modèle» turc, conjugué au succès d’Ennahda en Tunisie, et la future émergence des frères musulmans en Egypte, ont vraisemblablement donné des idées aux électeurs marocains. Toutefois, l’ampleur de la victoire du PJD (plus du quart des sièges), dans un pays qui ne s’est pas inscrit dans une logique révolutionnaire mais plutôt évolutionnaire, à l’image de l’intégration du PJD dans le champ politique (contrairement à Ennahda en Tunisie et aux frères musulmans en Egypte qui étaient exclus), laisse penser à l’existence d’autres motivations derrière le choix des électeurs de voter PJD.

De prime abord, il s’agit d’un vote-sanction du gouvernement sortant, surtout après le bilan très mitigé des partis de la Koutla (Union socialiste des forces populaires, USFP, Parti pour le progrès et le socialisme, PPS, et le Parti de l’Istiqlal, IP) qui ont géré les affaires du pays depuis 2007. Les problèmes de chômage, de pauvreté, de corruption et des inégalités sociales ont fini certainement par exaspérer les Marocains. Les électeurs ont perdu confiance dans les partis politiques qui représentent, à leurs yeux, à côté des affidés et des apparatchiks du palais, les principaux responsables du sous-développement du pays.

Un discours simple

Ensuite, les élus du PJD ont fait valoir leur « virginité » politique (aucune participation gouvernementale dans le passé) et leur moralité, en exploitant leur référent islamique pour vendre une certaine probité tant recherchée par les électeurs, échaudés par des décennies de corruption, de népotisme – sans parler des fausses promesses. Le PJD a offert un corps d’élus moins exposé et profité de l’usure de ceux de l’équipe sortante et des autres partis. Certes, près de 88% des candidats à cette élection se sont présentés pour la première fois, mais dans le mode de scrutin actuel, seules les têtes de liste comptent réellement, qui étaient choisies parmi les vieux notables, surtout chez les partis de la Koutla et du G8 (groupement de partis centristes pour faire barrage au PJD).

Le PJD représentait l’alternative la moins corrompue aux yeux des électeurs marocains, qui ont décidé de tenter l’expérience et donner la chance à une nouvelle alternance, cette fois-ci émanant de la base populaire. D’ailleurs, les candidats du PJD ont fait valoir la lutte contre la corruption comme principal credo. Un message qui a trouvé un large écho auprès des électeurs, car simple. La simplicité a été un facteur déterminant dans l’efficacité de leur campagne électorale. Les représentants du PJD, depuis sa création, ont adopté un discours simple et proche des préoccupations quotidiennes des différentes souches de la société marocaine. Ils ont su communiquer avec la majorité des citoyens, en évitant un langage fourré d’idéologie et de jargons techniques comme les autres partis, ce qui est toujours perçu par les citoyens comme du snobisme politique et social. Au contraire, ils se sont appuyés sur un discours moralisant de la vie politique, avec des références et symboles religieux, et ont fait évoluer leur discours en cessant de condamner les festivals musicaux ou les concerts de Shakira, ont promis de ne pas faire interdire l’alcool, mais insisté pour que la liberté de conscience ne figure pas dans la nouvelle Constitution approuvée par référendum, en juillet.

Travail sur le terrain

En déclarant ne pas vouloir s’ingérer dans la vie privée des Marocains, ils ont mis davantage en avant leur volonté de rétablir la justice sociale, lutter contre la corruption, combattre l’économie de rente, sachant que la lutte contre la mauvaise gouvernance était la principale revendication des manifestants marocains. Enfin, le succès actuel n’est pas le résultat d’une campagne de quelques semaines, mais le fruit de plusieurs années de travail sur le terrain.
En ce sens, le parti islamiste a su construire une base populaire solide, grâce à ses œuvres sociales et caritatives. En occupant le terrain social délaissé par l’Etat, il a su se constituer un vivier de voix reconnaissantes qui ne peuvent que le soutenir, de manière indéfectible. Cette stratégie sociale de proximité a déjà fait ses preuves dans d’autres pays ; que ce soit en Palestine, avec le Hamas, ou Ennahda en Tunisie. Sans oublier que les PJDéistes participent à la gestion du pays, au niveau local, depuis le début des années 2000. Leur bilan reste, malgré quelques cas, apprécié par les citoyens habitant les communes et les collectivités locales gérées par les élus du PJD, ce qui les a encouragés à voter pour eux. Cela explique, en grande partie, la solidité de leur base électorale qui, en moyenne, leur a permis de rafler 500 000 votes depuis 1997, contrairement aux autres partis qui, du fait de l’étroitesse de leur base, sont plus vulnérables aux faits conjoncturels et aux retournements d’opinions. Il ne faut pas oublier que le PJD a mené une campagne moderne, en faisant bon usage des nouvelles technologies de l’information, à l’image des révoltes arabes.

Contrairement aux autres partis, ils ne se sont pas contentés des meetings populaires traditionnels ni de la distribution de tracts, mais ont utilisé Internet et les réseaux sociaux pour diffuser leur message et toucher d’autres franges d’électeurs, notamment les jeunes. Rappelons ici que le PJD est le parti qui dispose du plus important site parmi tous les partis concurrents et qu’il est le seul à posséder une radio sur le Net. Si la montée des islamistes est dans l’air du temps, il n’empêche qu’en donnant la majorité de leurs voix au PJD, les électeurs marocains ont voulu envoyer un signal à tous les politiciens pour dire que désormais, ce sont la compétence et la probité qui doivent être le référent de la pratique politique au lieu de la notabilité, héritée ou réaménagée. Le PJD sera-t-il à la hauteur de la confiance du peuple marocain ? L’avenir nous le dira.

6 décembre 2011.

13:48 Écrit par OUTALHA dans MAROC | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | | |  Imprimer | |

05/12/2011

Feuille de route chargée pour les 100 premiers jours

Après l’euphorie de la victoire, une fois sa majorité et son équipe gouvernementale constituées, le PJD devra bientôt s’atteler aux choses sérieuses. Et la partie ne sera pas de tout repos.

Les premiers mois risquent d’être mouvementés et intéressants pour Abdelilah Benkirane et sa future équipe gouvernementale. D’abord, il y aura un chantier urgent qui est la loi de Finances 2012. L’année 2011 s’approche de la fin et la nouvelle équipe ne pourra pas entamer 2012 sans loi de Finances au risque de bloquer son action faute de budgets. Or, on se rappelle bien que le projet de loi de Finances déposé au Parlement quelques semaines avant les élections était minimaliste, le gouvernement sortant préférant laisser à son successeur le soin d’y apporter ses touches. Mais le gouvernement d’Abdelilah Benkirane aura-t-il le temps de se mettre en place et de plonger dans les dossiers pour être au rendez-vous avant fin 2011? En toute logique, si le nouveau gouvernement laisse ce projet en l’état, il  a de fortes chances qu’il soit voté très rapidement et, surtout, sans aucun risque de blocage de la part de l’opposition. La raison en est que le projet de loi a été préparé par cette même opposition quand elle était encore aux commandes. Elle devrait donc le voter. Mais l’inconvénient d’une telle option est qu’elle ne permet pas au nouveau gouvernement mené par le PJD d’apporter sa touche et donc de marquer d’entrée de jeu la différence. Et surtout, cela reviendra à adopter des hypothèses, notamment en termes de croissance, de déficit budgétaire et autres, qui ne correspondent pas forcément aux engagements pris par le PJD lors de sa campagne. En d’autres termes, sur le plan politique, cela risque de nuire au capital sympathie avec lequel démarre le PJD. Dans le cas contraire, si le nouveau gouvernement décide de modifier le projet de loi de Finances, l’exercice sera d’une extrême difficulté puisque sur le plan budgétaire les marges sont très réduites pour ne pas dire inexistantes. Chaises musicales au Parlement…
Véritable casse-tête. La session d’automne a déjà été ouverte en octobre dernier avec les anciens parlementaires. Ces derniers ont eu à travailler en commissions sur un certain nombre de projets de loi qui sont actuellement toujours en examen. De même, ces commissions planchaient sur des propositions de loi soumises par l’opposition de l’époque dont faisait justement partie le PJD. La première question qui vient à l’esprit est de savoir comment la nouvelle majorité va opérer ce passage. Les propositions de loi qui émanaient, par exemple, du groupe parlementaire du PJD, et elles sont nombreuses, vont-elles être transformées en projets de loi ? C’est le cas par exemple des propositions relatives à la Charte communale, au Code pénal, aux banques islamiques, etc. Pendant plusieurs années, ces propositions étaient constamment refusées au Parlement. Maintenant qu’il a la main sur la première Chambre, rien n’empêche le PJD de les programmer en premier et de les faire voter puisqu’il dispose pour cela d’une majorité confortable. Mais se posera alors un problème d’ordre éthique. Vraisemblablement, on se dirige vers une majorité à laquelle prendront part des partis de l’ancienne comme le Mouvement populaire et surtout l’Istiqlal. Les députés de ces deux partis devront donc supporter et défendre des textes contre lesquels combattaient encore il y a quelques semaines ou quelques mois. Comment pourront-ils argumenter logiquement un tel changement radical de position ? Il va sans dire que c’est la crédibilité du Parlement et des parlementaires qui est en jeu.

21:26 Écrit par OUTALHA dans MAROC | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | | |  Imprimer | |