14/12/2011
Casablanca, cité de l’inculture
On mesure le degré de progrès d’un pays à l’aune de sa culture. Cette assertion ne s’avère pas au Maroc, dont la métropole, Casablanca, qui concentre une large part de l’activité du pays, est plongée dans une indigence culturelle tous azimuts. C’est simple, la capitale économique du pays fait exception face à d’autres grandes villes de son acabit. Inutile de chercher à dénombrer les sites dédiés à l’art, aux loisirs, à la culture, au savoir et à la connaissance. Autant dire qu’on a multiplié le béton en détruisant les derniers remparts intelligents qui pouvait faire face à la froideur cimentée de la ville.
Pas un seul théâtre digne de ce nom. Pourtant, il y en avait un, héritage du Protectorat français, entre le boulevard de Paris et l’avenue Hassan II, mais il a été sacrifié. Détruit pour faire place au vide. Mais on compte quelques petits centres culturels avec quelques scènes qui abritent des comédies sur le tragique dénuement artistique.
Pas un seul musée non plus. Quelle tristesse pour une ville de plus de 7 millions d’âmes qui semblent dénuées de tout héritage vivant que l’on peut visiter, apprécier et s’en flatter. Pas plus que l’on peut arpenter les couloirs d’une bibliothèque au diapason d’une cité où la majorité des habitants sont des jeunes en mal de repères, de culture, de goûts artistiques et de soif du savoir.
Et même quand on n’a pas la jugeote bien aiguisée, mais le corpos leste et propice à des miracles, inutile, là non plus, d’aller chercher des complexes sportifs, des centres de loisirs, de formation pour devenir un grand athlète, un as des stades, une vedette du sport.
Mais plutôt, des cafés, des bars sordides, des discothèques pour nourrir son oisiveté, tuer le temps et apprendre l’art de la délinquance. Une ville comme Casablanca fabrique des bataillons entiers de bons à rien, s’adonnant aux drogues, aux jeux du hasard, à l’argent facile voire à la criminalité. Et, dans ce pourcentage effarant, pas un seul génie ne semble pointer à l’horizon. On cultive chez les jeunes le goût du néant, le penchant au vandalisme et une inclinaison certaine pour le non-civisme. Pourquoi? Parce qu’on a créé des brèches énormes où se sont engouffrés la haine, l’obscurantisme et l’absence de valeurs.
Car celles-ci s’inculquent dans le berceau. On apprend à son enfant les joies d’une belle balade en bord de mer, les délices d’une après-midi dans un beau jardin public, le bonheur de la liberté du jeu dans des parcs ombragés et surveillés où l’on respire l’air pur et l’envie de grandir.
Inutile, là non plus, d’aller chercher un jardin pour une promenade en famille. Le seul poumon vert de la ville, le parc de la Ligue arabe, est squatté par des alcooliques, des SDF, qui, la nuit tombée, troquent leur vinasse contre une arme blanche.
Et l’on se retrouve donc dans une ville dortoir. Un amas de béton glacial, où les téléboutiques le disputent aux crèmeries et où les jeunes sombrent dans les effluves des drogues qui les coupent de la réalité et les plongent dans des comas à yeux ouverts.
La ville est devenue une fabrique d’humains conditionnés à la survie réduite à son strict minimum.
Le : 27 mars 2009
17:48 Écrit par OUTALHA dans MAROC | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
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09/12/2011
Abdelilah Benkirane, l’art de plaire et de convaincre
Le triomphe du PJD aux élections législatives du 25 novembre 2011, c’est lui. Avancer ce genre d’information définitive, n’est certainement pas de nature à irriter les amis les plus poches de Abdelilah Benkirane au sein du parti islamiste. L’homme n’a pas la victoire modeste, même si le score réalisé l’en dispense. Il a tout fait pour réaliser cet objectif au contenu et à la signification uniques dans l’histoire du Maroc indépendant. Le parcours de celui qui a été chargé, par S.M le Roi, mardi 29 novembre 2011, de former le nouveau gouvernement, est quelque peu atypique. Ce natif du quartier populaire Al Akkari, à Rabat, en 1954, père de 6 ans enfants, d’une famille originaire de Fès, a toujours baigné dans une ambiance où le religieux le disputait au politique. Son père s’intéressait au fondamentalisme et aux rites soufis. Sa mère fréquentait les réunions féminines de l’Istiqlal.
Parenthèse laïcisante
Dans sa prime jeunesse, il opte pour un autre type d’engagement, en adhérant à la Jeunesse ittihadie, du temps de l’UNFP, de son opposition radicale et de son idéologie laïcisante. Nous sommes dans les années 1970, Abdelilah Benkirane est inscrit à l’École Mohammadia des Ingénieurs, qu’il quittera avant terme, pour rejoindre l’École normale supérieure et devenir professeur de mathématiques. Cette parenthèse est vite refermée. Car c’est durant cette même période que le jeune Benkirane change totalement de cap. Il revient aux fondamentaux de l’islamisme et à l’influence de son éducation familiale. Il intègre le groupe de la Chabiba islamiya, dont il deviendra l’une des figures de proue. Abdelilah Benkirane accompagnera le processus de cassures répétitives du mouvement des jeunes islamistes tout au long des années 1970, 1980 et 1990. Il sera constamment mêlé à une noria de formations de la même référence politico-religieuse, telle la Jeunesse islamique, puis le Mouvement Unicité et Réforme (MUR), dont il reste le chef de file jusqu’en 1996. Cette mouvance abandonnera la violence pour un activisme pacifique. Elle ira jusqu’à moduler et modérer son propos à l’égard de l’institution monarchique, dans une vaine tentative de passer de la clandestinité à la légalité. Un certificat de passage qui ne viendra jamais. Il aura fallu l’intervention du docteur Abdelkrim El Khatib, qui s’est porté garant, devant Hassan II au règne finissant, pour accueillir une poignée de militants islamistes, en 1996, dans son propre parti, le Mouvement populaire démocratique et constitutionnel (MPDC), une structure plutôt virtuelle que réelle.
Les invités réussissent enfin à avoir un toit et à agir au grand jour. Ils seront, effectivement, une minorité très agissante. Une année après, la coquille vide du Dr El Khatib est phagocytée. En 1997, le MPDC change de nom. Le PJD est né. L’opération d’introduction de l’islamisme dans le champ politique national se déroule presque dans la discrétion, malgré l’opposition très timide de l’USFP et du PPS.
L’islamisme dans la discrétion
Conscient de sa position encore fragile, le PJD, lui-même, adopte un profil bas. Il lui faudra patienter une décennie et deux élections législatives (1997 et 2002), pour sortir le grand jeu et faire la démonstration de la capacité d’organisation et de mobilisation de ses dirigeants et de ses adeptes. Abdelilah Benkirane, lui, est élu député à Salé-Médina, quelques mois après la naissance du PJD. Pendant toute cette période, Abdelilah Benkirane est volontairement resté au second plan, derrière Saâdeddine Othmani, un Secrétaire général bien craintif. Tout se passe comme s’il voulait se réserver pour un moment plus propice et plus décisif. Mais personne n’est dupe. Chacun savait que Abdelilah Benkirane était l’exécutant testamentaire du Dr El Khatib, celui par qui le PJD a eu droit de cité parmi l’armada des formations politiquement correctes. Il semble s’être donné comme ligne de conduite qu’il était urgent d’attendre.
L’âge de maturité
Ce n’était pas sans difficulté. Il a eu maille à partir avec certains de ses camarades un peu plus pressés et beaucoup plus remuants, comme Mustapha Ramid. Il en a eu raison par sa gestion sereine d’un cheminement politique qui devait arriver à maturation. Aux législatives de 2007, avec 42 sièges et un troisième rang amplement mérité, le PJD donne la preuve qu’il a atteint l’âge de maturité. Abdelilah Benkirane décide d’accélérer la cadence. Le moment tant attendu viendra avec le congrès du parti tenu le 20 juillet 2008, à Rabat. Abdelilah Benkirane monte au créneau et défie Saâd Eddine Othmani, qu’il parvient à déloger par 684 voix contre 495. Cette fois, c’est fait, Abdelilah Benkirane devient Secrétaire général du PJD.
A part une barbe blanche qui n’a jamais plus de trois jours, Benkirane ne fait pas son âge. Du coup, son parti semble avoir pris un coup de jeune. Il prend, en tout cas, une autre dimension. Il devient plus visible et plus lisible. Son nouveau patron est un communiquant hors-pair qui ne rechigne pas à la confrontation. Il est de toutes les polémiques sur les colonnes de la presse et de toutes les réparties sur les plateaux de télévision. Il prend toutes les précautions pour que son islamisme politique apparaisse rassurant et pas du tout inquiétant.
Sans langue de bois
Il y met les mots appropriés comme pour caresser son public dans le sens du poil islamique. Plus il avançait dans son mandat, plus le verbe devenait plus dur et le propos plus incisif. Le ton montera encore d’un cran à l’annonce d’élections législatives anticipées. Les critiques à l’adresse de ses adversaires politiques intimes et du gouvernement en fonction deviennent plus acerbes et plus directes. Les choses sont appelées par leurs noms sans circonvolution de langage et sans langue de bois. Le message est porteur, pour preuve les résultats du dernier scrutin. Un Abdelilah Benkirane Chef du gouvernement, rasé de près, costume trois pièces et cravate assortie, nous fera-t-il, comme il l’a récemment déclaré, basculer sur un modèle turc où le pouvoir islamiste se conjugue allégrement avec une bonne image de liberté de conscience et de comportement ?
Le : 18/11/2011
09:55 Écrit par OUTALHA dans MAROC | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
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