Pourquoi cette levée de boucliers chez certains nantis contre la taxation, exceptionnelle et limitée dans le temps, des hauts revenus ?

20/11/2012

ZONE EURO EN CROISSANCE NEGATIVE

C’est officiel. La zone euro est en récession. Elle a sombré dans la mer de l’adversité économique en présentant un revers qui la distingue des crises antérieures : le taux de chômage est d’ores et déjà très élevé. Il frôle en effet les 12 %. Soit un niveau ayant convaincu des milliers et des milliers d’ingénieurs et de travailleurs qualifiés de quitter les nations du Sud pour celles du Nord. Bref, l’Europe est rythmée par un mouvement migratoire unique dans son histoire récente et donc socialement violent.

Pour la deuxième fois depuis 2009, la zone euro est confrontée à la peste économique qui, cette fois-ci, a hissé à 18,5 millions l’inventaire de chômeurs, dont pas moins de 2,2 millions cette année seulement. Comme chacun le sait, ils sont beaucoup plus nombreux dans les pays dits du Club Med - Portugal, Espagne, Italie et Grèce - que dans les pays du Nord. Ce que l’on sait moins, passablement moins, c’est que, dans la foulée du chapelet de plans d’austérité conçus à l’aune du chien qui essaye de se mordre la queue, la durée des prestations ainsi que les montants accordés aux sans-travail ont été raccourcis.

Depuis l’éclatement de la crise de la dette en Grèce d’abord, au Portugal, en Espagne et en Italie ensuite, la forte inclination d’Angela Merkel pour l’austérité et seulement elle a fait la une des journaux avec une régularité métronomique. Résultat ? En Grèce, par exemple, la contraction du PIB au cours des trois dernières années a dépassé les 17 % ! Ce faisant, le poids de la dette que les commandes de Berlin devaient réduire a augmenté. Bref, la batterie de chiffres publiés ces jours-ci par des organismes européens, dont Eurostat, sont autant de preuves que le calque de la déesse austérité sur le profil économique des pays du Sud s’est avéré un échec total.

Ce dossier a ceci de vicié que le fiasco découlant des diktats exigés en grande partie par Berlin profite énormément à… l’Allemagne. Oui, trois fois oui. Les entreprises situées à l’est du Rhin font le plein d’une main-d’œuvre bien diplômée, bien entraînée. Tenez-vous bien, pour le premier semestre de l’année en cours, et seulement lui, 182 000 Espagnols, Grecs et Portugais ont pris la direction de l’Allemagne, soit une hausse de 35 % par rapport à la période correspondante l’an dernier. Dit autrement, les Espagnols et les Portugais ont été deux fois plus nombreux qu’en 2011. Les Grecs ? 78 %. Il y a peu, le New York Times a consacré un long reportage à l’émergence d’un quartier grec à Munich. C’est dire.

Ce dossier a ceci de troublant que les entreprises et organisations allemandes n’ont aucune… comment dire ? Ni timidité, ni gêne, ni retenue. En effet, les uns et les autres n’ont pas hésité à organiser des foires pour débaucher, et notamment les ingénieurs. Des mandarins de la santé allemande sont allés jusqu’à se déplacer à Athènes pour faire le plein de médecins. Bref, après avoir taillé des croupières, en partie il est vrai mais en bonne partie, à l’activité économique par l’intermédiaire des surplus commerciaux, voilà qu’en Allemagne on est en train, consciemment ou non, de régler le défi du vieillissement de la population.

Cela étant, il faut bien constater que le rabotage de la sphère politique au profit de son pendant économique, au cours des vingt dernières années, a eu un effet quelque peu délétère : aucun élu, aucun dirigeant politique n’ose dire tout haut ce que tout le monde sait tout bas. À savoir que le commandement allemand des trois dernières années a eu des échos ayant rendu la vie de millions et de millions de gens quelque peu pénible.

Il serait temps, grandement temps, qu’à la lumière des analyses d’Eurostat quelqu’un signifie à Berlin que ses excès économiques ont eu une conséquence totalement contraire à celle brandie, à celle prétendue. Trop, c’est trop !

09:56 Écrit par OUTALHA | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | | |  Imprimer | |

Les politiques d’exportation du Maroc, de l’Egypte, de la Tunisie et le modèle de la Corée du sud : Quels enseignements pour le Maroc

La faible croissance du PIB et des exportations due au lent processus de transformation structurelle

La transformation structurelle profonde est indispensable au développement de la capacité d’un pays à générer une croissance plus rapide et plus inclusive, qui permet de faire face à des enjeux d’ordre social comme le chômage et la pauvreté, estime la Banque Africaine de Développement (BAD) dans une importante étude qu’elle vient de publier intitulée « Étude comparative sur les politiques d’exportation de l’Égypte, du Maroc, de la Tunisie et de la Corée du Sud ». Une transformation structurelle impulsée par l’exportation revêt un très grand intérêt pour l’Égypte, le Maroc et la Tunisie, qui ont déployé des stratégies commerciales et des politiques de promotion des exportations, mais n’ont pas encore tiré pleinement parti de leurs stratégies de croissance fondées sur les exportations. Cette institution précise que les progrès enregistrés restent insuffisants pour permettre à ces pays d’obtenir tous les avantages tirés par d’autres pays qui ont intégré la production à plus forte valeur dans leurs économies. L’étude de la BAD détermine comment l’accroissement de la productivité et la progression dans la chaîne de valeur pourraient améliorer le développement économique en Afrique du Nord. Elle s’attache en particulier à montrer comment le déploiement des stratégies de croissance fondées sur les exportations passe par de nombreuses améliorations des institutions et des services qui appuient le commerce. L’étude est le produit de dialogues approfondis avec les gouvernements de l’Égypte, du Maroc et de la Tunisie, menés à travers des missions dans ces pays et des séminaires de consultation.

 
 

Les auteurs de l’étude de la BAD présentent sur un graphique la dynamique des exportations de biens et services par habitant pour les trois pays d’Afrique du Nord, relative aux trois pays asiatiques. Les services sont pris en compte car on avance souvent que l’Asie de l’Est aurait un avantage comparatif pour ce qui est des exportations de biens, tandis que les pays d’Afrique du Nord, au regard de leur localisation géographique et de leur histoire, auraient un avantage comparatif pour ce qui est des services, et notamment du tourisme, écrivent-ils. Ce graphique montre que bien que les exportations par habitant en Égypte, au Maroc et en Tunisie s’inscrivent à la hausse, elles progressent plus lentement que celles des pays comparateurs d’Asie. Vers la fin des années 70, la Chine était bien loin derrière les trois pays d’Afrique du Nord, mais au début des années 2000, elle avait déjà dépassé l’Égypte et le Maroc. La Corée et la Thaïlande affichaient au départ des niveaux des exportations par habitant semblables à ceux de l’Égypte et du Maroc dans les années 70, et bien en dessous de ceux de la Tunisie. Cependant, ces deux pays asiatiques ont largement dépassé les trois pays d’Afrique du Nord.
Ainsi, l’Égypte, le Maroc et la Tunisie ont fait preuve de moins de dynamisme en matière d’exportation que les trois pays de référence d’Asie de l’Est. Le secteur de tourisme a fortement contribué à la croissance de l’ensemble des exportations de biens et services par habitant dans les trois pays d’Afrique du Nord. 
Évaluation de la composition des exportations
Les modèles fondamentaux de la théorie du commerce international laissent penser que le modèle initial de spécialisation a peu d’effets, voire aucun effet sur l’évolution future, dans la mesure où il s’agit simplement d’un reflet des caractéristiques plus profondes du pays, telles que ses dotations en facteurs et ses différentiels technologiques. Dans ces modèles, la structure des produits d’un pays n’a aucune importance et ne crée donc pas de sources de dépendance en termes de trajectoire. Toutefois, les recherches récentes ont montré que la structure de production importe effectivement, dans la mesure où elle affecte le modèle de mise au point de nouveaux produits et, ainsi, la dynamique en matière de productivité et de potentiel de croissance des pays.
Une première tentative de démonstration de l’importance de la spécialisation de la production a été faite par Hausmann et Rodrik, en 2003, et par Hausmann, Hwang et Rodrik (HHR), en 2007. Ces communications montrent que si ce qu’il est convenu d’appeler les « fondamentaux économiques» jouent un rôle, ils ne déterminent pas ce qu’un pays produira et exportera. Pour étayer ce point de vue, HHR ont mis au point une mesure de sophistication des exportations, qui calcule le revenu moyen par habitant des pays ayant un panier des exportations similaires à celui du pays donné.
Ils montrent que les pays ayant un panier des exportations plus sophistiqué, surveillant leur niveau initial de revenu, enregistrent une croissance plus rapide, ce qui porte à croire que la composition de la production d’un pays a un impact sur ses possibilités de développement futures. À partir de la méthodologie de HHR, nous construisons l’indice de sophistication des exportations des pays. Pour chaque produit échangé sur le marché mondial, nous générons un niveau correspondant de revenu/productivité (que nous appelons PRODY).
Nous construisons ensuite le niveau de revenu/productivité qui correspond à un panier des exportations (que nous désignons EXPY), en calculant la moyenne pondérée des exportations de PRODY pour le pays donné, écrivent les auteurs de l’étude. L’indice EXPY est notre mesure du niveau de productivité ou de sophistication, associé à un modèle de spécialisation d’un pays (voir l’appendice pour la description des concepts et le détail des calculs). Cet indicateur diffère des mesures traditionnelles de sophistication qui tendent à évaluer l’intensité de la recherche et développement ou de la sophistication technologique. L’indice EXPY dépend des résultats et repose sur le fait que les pays les plus riches présentent des niveaux plus élevés de productivité et versent des rémunérations plus élevées. Un produit exporté par un pays peut être compétitif à ses rémunérations élevées et doit par conséquent présenter des niveaux élevés de productivité. Les pays pauvres, capables de fabriquer ces produits, paieront des salaires moins substantiels et pourront, à la condition de tendre vers les niveaux de productivité des pays plus riches, générer plus de revenus et par conséquent se développer. De ce point de vue, et après ajustement par le niveau de PIB par habitant, on conclut qu’un indice EXPY élevé est solidement lié à une croissance économique ultérieure (Hausmann, Hwang et Rodrik, 2007).
L’un des graphiques établis par les auteurs montre qu’il existe un lien positif étroit entre le revenu par habitant et la sophistication du panier des exportations (EXPY), écrivent-ils. Cependant, et malgré une forte corrélation entre l’indice EXPY et le PIB par habitant, il convient de reconnaître l’existence de divergences intéressantes. Certains pays enregistrant une forte croissance, comme la Chine et l’Inde, ont des niveaux d’EXPY bien supérieurs aux prévisions basées sur leurs niveaux de revenu.
L’EXPY de la Chine, par exemple, laisse penser que ce pays continuera d’enregistrer une croissance rapide à l’avenir, d’autant plus que la Chine fabrique des produits très sophistiqués pour son niveau de revenu. Ce constant est également valable pour le cas de l’Égypte, qui se situe bien au dessus de la tendance. En revanche, le niveau de sophistication de la Tunisie s’inscrit résolument sur la ligne de régression, alors que celui du Maroc est inférieur aux attentes, au regard de son niveau de revenu.
L’EXPY élevé de l’Égypte pourrait être induit par les cours du pétrole. En effet, étant donné que plusieurs pays producteurs de pétrole sont très riches, le PRODY du pétrole est élevé, même si ce produit n’est pas technologiquement sophistiqué. La partie (b) du graphique 5 recalcule l’EXPY, sans tenir compte des ressources naturelles. Ainsi on constate que les classements de l’Égypte, du Maroc et de la Tunisie restent essentiellement inchangés, ce qui indique que notre conclusion initiale est correcte : le panier des exportations de l’Égypte est plus sophistiqué que prévu, au regard de son niveau de revenu, alors que celui de la Tunisie est conforme aux attentes, mais le Maroc se situe en dessous de la ligne de régression. Afin d’analyser l’évolution de la sophistication du panier des exportations, il est utile de calculer l’EXPY, avec une valeur fixe des PRODY. Cela permet de s’assurer que les fluctuations de l’EXPY ne sont pas induites par les variations du niveau des revenus des autres pays qui exportent un produit donné, mais reflètent plutôt le fait que le pays en question a augmenté la part des produits plus sophistiqués dans son panier des exportations. 
Un autre graphique présente l’évolution de l’EXPY pour les six pays et montre que tous affichent une tendance à la hausse, mais les trois pays d’Afrique du Nord sont sensiblement à la traîne par rapport aux trois pays d’Asie de l’Est. Alors qu’en 1965 la Tunisie disposait d’un panier des exportations plus sophistiqué que celui de la Corée du Sud ou la Thaïlande, elle a été rattrapée et dépassée par la Corée dans les années 70 et par la Thaïlande dans les années 80. Le Maroc avait un panier plus sophistiqué que celui de la Thaïlande en 1965, mais il a également perdu sa supériorité. Ainsi, même si ces deux régions ont connu une transformation structurelle de leurs économies, celle des pays d’Asie de l’Est a été beaucoup plus rapide que celle des pays d’Afrique du Nord.

20/11/2012

09:54 Écrit par OUTALHA | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | | |  Imprimer | |