Pourquoi cette levée de boucliers chez certains nantis contre la taxation, exceptionnelle et limitée dans le temps, des hauts revenus ?

05/11/2012

Tolérants à l'intolérance

Il est vrai que nous pouvons tout à fait être respectueux de la différence dès lors qu’elle ne nous concerne pas. On peut même l’accepter de la part d’autrui dès lors qu’il s’agit d’un étranger. Mais, dès lors qu’elle se niche en notre sein, qu’elle est le fait de l’un des nôtres, rien ne va plus. La loi, la morale et Dieu sont convoqués pour ramener l’impénitent dans le droit chemin. Dans notre société, nous sommes certes tolérants, mais tolérants à l’égard de l’intolérance.

«Tolérance» est un concept à la mode. Un concept que l’on aime à convoquer sous nos cieux pour caractériser ce que nous sommes. Des êtres «tolérants», ouverts sur l’autre et sur la différence. Nous sommes tellement dans «la tolérance» que nous lui avons dédié un festival, «le Festival de la tolérance», dont la 6e édition doit se tenir à Agadir le 16 octobre courant. Célébrer le «dialogue interculturel» et prôner «le rapprochement des peuples» à travers la chanson, tel est l’objectif dévolu à cet événement culturel. Les initiatives festives portées par de si nobles intentions ne peuvent qu’être saluées. Mais outre que le concept en lui-même pose problème, la réalité concrète de notre «tolérance» mérite qu’on s’y arrête. Et qu’on la questionne au vu de notre histoire et de nos pratiques.

Quand on parle de «tolérance», aussitôt la saillie de Claudel (également attribuée à Clémenceau) : «la tolérance, il y a des maisons pour cela !», vient à l’esprit. Elle rappelle que ce concept porte en lui la négation de ce qu’il est censé prôner, à savoir la reconnaissance de l’autre en tant qu’égal. Le verbe «tolérer» sur lequel il est construit induit de supporter quelque chose ou quelqu’un par condescendance ou indulgence.
Celui qui tolère est placé en position de supériorité à l’égard de celui qui est toléré. C’est dans ce sens que nos sociétés musulmanes ont été «tolérantes» à l’égard des gens du livre. Elles les acceptaient en leur sein, leur reconnaissaient des droits mais dans un rapport de suprématie du musulman par rapport à eux. Le dhimmi «toléré» n’était pas l’égal du musulman. Chez les chrétiens, ce n’était pas mieux à l’égard de qui ne croyait pas en Jésus. En témoignent les persécutions dont ont été victimes les juifs. Mais c’est cette société chrétienne qui va enfanter les valeurs d’égalité et de respect des différences sur lesquelles s’est construite la société moderne. En 1686, un premier acte en est posé avec le «Traité de tolérance universelle» de Pierre Baylé. Protestant français réfugié à Rotterdam, ce dernier va plaider en Europe chrétienne la cause de toutes les religions minoritaires. Dans ce «Traité de tolérance universelle», il défend la liberté de penser pour le «juif, païen, mahométan, romain, luthérien, calviniste, arménien, socinien : pour tous, sans nul privilège». On sait ensuite le chemin parcouru sur plusieurs siècles pour arriver à cette société moderne où la «tolérance», définie désormais comme une incitation positive au respect de l’autre dans ses différences, est posée comme une valeur cardinale.
Aujourd’hui donc, à l’ère de la mondialisation, tout le monde, à quelques exceptions près, se veut «tolérant». Le Maroc n’est pas en reste. D’où ses belles déclamations sur la «tolérance». Mais, dans les faits, qu’en est-il vraiment ? Qu’en est-il à l’égard de qui ne s’inscrit pas dans la norme, qu’elle soit religieuse, sociale ou ethnique ? A l’égard des «gens du livre», l’esprit de la dhimmitude perdure. «Lihoudi hachak» n’a pas disparu.
L’athée et l’agnostique sont toujours bons pour le gibet, fut-il symbolique. A l’égard des Noirs, c’est «la honte», comme disent les jeunes. Les témoignages des Subsahariens résidant au Maroc sur les agressions racistes dont ils sont l’objet vous font devenir cramoisi. Quant aux homosexuels, aux enfants naturels et aux mères célibataires, autant ne pas en parler. Pour eux, quand ce n’est pas la case prison, c’est le statut du lépreux avec rejet, opprobre et exclusion.

Avec tout ça, indifférents à la contradiction, nous nous voulons une société tolérante, respectueuse de l’autre dans sa différence. Il est vrai que nous pouvons tout à fait être respectueux de la différence dès lors qu’elle ne nous concerne pas. On peut même l’accepter de la part d’autrui dès lors qu’il s’agit d’un étranger.

Mais, dès lors qu’elle se niche en notre sein, qu’elle est le fait de l’un des nôtres, rien ne va plus. La loi, la morale et Dieu sont convoqués pour ramener l’impénitent dans le droit chemin. Dans notre société, nous sommes certes tolérants, mais tolérants à l’égard de l’intolérance.

19:51 Écrit par OUTALHA dans societe | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | | |  Imprimer | |

SALARIES, LA VACHE A LAIT...

 Quand un salarié, même avec un revenu de 25 000 DH ou plus, est le seul à faire vivre sa petite famille, doit assurer toutes les dépenses et payer en plus les crédits de la voiture et du logement, on ne peut pas dire qu'il est riche.

Personne ne peut remettre en cause les bonnes intentions du gouvernement quand il a proposé un impôt supplémentaire de 3% sur les hauts revenus qui dépassent 25 000 DH nets par mois afin de contribuer à l’effort de solidarité nationale. Certes, le principe est bon, mais les modalités pratiques de sa mise en application ne le sont pas du tout. D’abord, quand le gouvernement décrit les personnes qui ont des revenus supérieurs à 25 000 DH par mois comme étant des riches, il fait là dans l’abus de langage pour ne pas dire autre chose car cette notion de richesse est très relative, voire à la limite du subjectif.

Quand un salarié, même avec un revenu de 25 000 DH ou plus, est le seul à faire vivre sa petite famille, doit assurer toutes les dépenses et payer en plus les crédits de la voiture et du logement, on ne peut pas dire qu’il est riche. Un couple sans enfants où chaque conjoint perçoit 20 000 DH net par mois n’a pas les mêmes dépenses et pourtant il ne sera pas taxé car non considéré comme riche au sens du nouvel impôt que le gouvernement veut instaurer. Premier problème donc, d’ordre pratique : comment la Direction générale des impôts va-t-elle procéder concrètement ? Va-t-on taxer les ménages ou les individus ?
D’un autre côté, si notre chef de famille est considéré comme riche, le pauvre, que dira-t-on des personnes qui roulent dans les voitures de luxe importées dont certaines valent parfois 6 ou 7 millions de DH, qui ont des résidences secondaires, tertiaires et plus, qui ont des yachts personnels et qui passent chaque année leurs vacances dans les îles du Pacifique ? Et il se trouve que certaines de ces personnes, pour ne pas dire beaucoup, gagnent sur papier bien moins que notre pauvre chef de famille salarié.

Amusons-nous à examiner les recettes que retire l’Etat de l’impôt sur le revenu. Près de 75% de ces recettes proviennent des 4,6 millions de salariés que compte le Maroc. En même temps, à titre de comparaison, les 400 000 contribuables qui exercent des professions libérales assurent 11% à peine des recettes. Quand on calcule une simple moyenne en éliminant les catégories exonérées de part et d’autre, on découvre qu’un médecin, par exemple, paie en moyenne 970 DH d’impôt par mois contre 1 000 DH pour le salarié. Cette comparaison se passe de tout commentaire. Si effort de solidarité il y a, il doit être le fait de tous et pas toujours les mêmes. Et le premier acte de solidarité, c’est d’abord que tout contribuable déclare ses revenus, les vrais, et paie correctement ses impôts. Rien qu’avec cela, le gouvernement aurait largement de quoi subvenir aux besoins et probablement plus. On peut comprendre que, face à l’urgence du besoin, le gouvernement se rabatte sur la solution de facilité, c’est-à-dire les salariés, car facilement identifiables et les entreprises transparentes qui jouent le jeu. Mais, encore une fois, attention aux effets pervers car, au final, au lieu d’encourager les bons contribuables on les surtaxe...

 

19:50 Écrit par OUTALHA dans societe | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | | |  Imprimer | |