Pourquoi cette levée de boucliers chez certains nantis contre la taxation, exceptionnelle et limitée dans le temps, des hauts revenus ?

05/11/2012

Et si le Maroc empruntait moins cher que l'Espagne ?

 La prime de risque dont est assortie la dette marocaine est actuellement autour de 300 points de base. La tendance est à la baisse aussi bien pour les taux de base que pour les "spreads". Les investisseurs face à une pénurie de demande solvable.

Et si le Maroc parvenait à emprunter sur le marché international à un taux inférieur à celui qu’obtient l’Espagne en ce moment (environ 5,5%) ? L’hypothèse est très probable, et le 1 milliard de dollars que le Trésor s’apprête à lever (l’opération devrait avoir lieu fin novembre prochain) pourrait bien coûter, en termes de taux d’intérêt, pas plus de 5%, peut-être un peu moins.

Pourquoi une telle probabilité ? D’abord, les primes de risque assorties aux titres marocains s’établissent à quelque 300 points de base, selon des analystes de la place, en baisse par rapport à la situation d’il y a exactement une année où elles avaient atteint 386 points de base. La décision de la Banque centrale européenne (BCE) de racheter massivement et de façon illimitée les obligations souveraines des pays les plus fragiles de la zone euro, en contrepartie de la mise en place de politiques d’assainissement budgétaire (que certaines appellent tout simplement «austérité»), a fortement contribué à abaisser les coûts d’emprunt sur le marché ; et cette baisse profite bien évidemment aux pays émergents, relativement bien notés comme le Maroc, de la même manière d’ailleurs que la crise des dettes souveraines européennes les avaient auparavant négativement affectés. Il y a donc, en ce moment, un climat propice pour négocier des emprunts à des coûts raisonnables. Les investisseurs, rassurés (ou peut-être inquiets ?) par la nouvelle politique de la BCE, se trouvent dans une situation paradoxale où ils rechercheraient moins des rendements élevés que la garantie, via un placement, surtout souverain, que leurs fonds ne se déprécieraient pas. C’est qu’en effet, les politiques de rigueur budgétaire et les processus de désendettement lancés un peu partout affaiblissent la demande mondiale, et donc la croissance économique ; une situation qui pourrait provoquer, selon certains analystes, une baisse des prix, donc une déflation, ravageuse pour les détenteurs de capitaux. C’est en tout cas l’explication souvent avancée des prêts octroyés ces derniers temps à des taux très bas, nuls ou même négatifs.

C’est dans ce contexte que le Maroc effectuera sa sortie à l’international. Bien sûr, la dernière appréciation de l’agence Standard & Poor’s (qui a modifié à la baisse la perspective de la note marocaine de «stable» à «négative») peut laisser croire que les conditions de l’emprunt seraient difficiles. Ce n’est pas aussi évident que cela. Il y a, d’une part, les conditions générales déjà mentionnées qui sont plutôt favorables, et il y a, d’autre part, la situation propre au Maroc. Celui-ci a un taux d’endettement du Trésor qui, au regard de ce que l’on peut observer ailleurs, est tout à fait raisonnable : 53% du PIB.

Les politiques de rigueur budgétaire inquiètent les investisseurs

Il y a même à ce niveau de la marge qui peut être utilisée en cas de besoin. En outre, la dette extérieure du pays, qui représente 24% du PIB (12,4% pour celle du Trésor) est à 100% de maturité longue ou moyenne ; elle est à taux fixe à hauteur de 67% pour le Trésor et à 78% pour l’ensemble de la dette extérieure publique (Trésor et dette garantie) ; et enfin elle est contractée à 51% auprès des institutions internationales. Autrement dit, de par sa structure, cette dette est d’une certaine manière moins… contraignante ; surtout si l’on ajoute le fait que son coût moyen, grâce notamment à la politique de gestion active menée depuis une quinzaine d’années, se situe aujourd’hui à un niveau plutôt raisonnable (moins de 5%).

La difficulté cependant est que la détérioration des finances publiques qui est apparue ces deux dernières années avec des niveaux de déficits budgétaires élevés, est venue s’ajouter -se jumeler pourrait-on dire- à celle, relativement plus ancienne, du compte courant de la balance des paiements. A ceci près que ces difficultés apparaissent comme étant le résultat moins d’une mauvaise gestion des deniers publics que de choix volontaristes s’agissant des finances publiques (poursuite de la politique de compensation) et des retombées de la crise économique en Europe et de la volatilité des marchés des matières premières pour ce qui est de l’état de la balance des paiements. En d’autres mots, avec une croissance qui se maintient malgré la crise, le budget pourrait tout à fait revenir à des niveaux de déficits soutenables, ou même s’équilibrer, pour peu que les charges de compensation diminuent. Bien sûr, l’hypothèse est plutôt…théorique, car une réforme d’un système comme celui de la compensation n’est pas chose aisée.
Quant à la balance des paiements, c’est en effet un vrai sujet de préoccupation, car les remèdes ne sont pas à portée de main, ils sont forcément de moyens et longs termes, nonobstant les quelques actions à initier pour espérer diminuer un peu les importations, mais sans que cela change radicalement le problème. En revanche, il suffit que la croissance revienne en Europe pour que les recettes touristiques et les envois des MRE se redressent ; soit les deux mamelles qui ont pu, pendant longtemps, amortir le déficit structurel de la balance commerciale.

Moyennant ces réalités, l’emprunt du Maroc de cette année pourrait se réaliser dans des conditions assez raisonnables (autour de 5%), c’est-à-dire à peu près comme en 2010, avec le milliard d’euros emprunté à 4,5% sur dix ans, avec une prime de risque de 2% (200 points de base). Aujourd’hui, la prime de risque a certes augmenté, mais les taux de base ont beaucoup diminué ; ceci compensant cela (voir encadré).

Maroc : 192 milliards de DH de dette extérieure à fin juin

- La dette extérieure du Maroc (Trésor et dette garantie) s'élève à 191.6 milliards de DH à fin juin 2012.
- La dette du Trésor s'établit à la même date à 99.3 milliards de DH.
- Le compte courant de la balance des paiements a enregistré un déficit de 47 milliards de DH au premier semestre 2012.
- Le déficit budgétaire à fin septembre de cette année s'établit à 31 milliards de DH.
- Le coût de l'argent en zone euro, représenté par l'Euribor, une sorte de taux d'intérêt interbancaire, se situe à un niveau extrêmement bas (1.21% pour des prêts sur douze mois), et le Libor, qui joue le même rôle sur le marché londonien, est à 0.93% pour la même maturité.

 

19:37 Écrit par OUTALHA dans Economie | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | | |  Imprimer | |

27/09/2012

FRANÇOIS HOLLANDE AMORCE LE DUR VIRAGE DE LA RIGUEUR

Certes le mot de rigueur, tabou à gauche comme hier à droite, n’a jamais été prononcé et pourtant François Hollande l’a pleinement assumé ce 9 septembre devant près de 10 millions de téléspectateurs sur le plateau du 20 heures TF1. La France sait maintenant qu’il lui faut se préparer au choc budgétaire le plus rude de ces trente dernières années. Le Président «normal» s’est donc transformé en Président de «combat» pour présenter sa première facture pour 2013 : 10 milliards d’économies budgétaires ; 10 milliards d’impôts pour les entreprises et 10 milliards d’impôts sur les ménages «aisés».

Le tout sur fond de croissance revue à la baisse (de 1,3 à 0,8%). Une rigueur sans précédent et des «riches» plus que jamais dans le collimateur du fisc. Hollande a décidé sans surprise de maintenir sa taxe à 75% pour les revenus qui dépassent un million d’euros tout en admettant qu’elle n’a qu’une valeur symbolique. Mais pouvait-il reculer au moment ou Bernard Arnault, l’homme le plus riche de France, et quatrième fortune sur la planète, se prépare toute honte bue à l’exil en Belgique.

L’essentiel est ailleurs. « Vous me dites il faut accélérer, j’accélère…» a concédé le Président avant d’ajouter à l’adresse de ses détracteurs et de son prédécesseur «mais je ne peux pas faire en quatre mois ce que d’autres n’ont pas fait en cinq ans ou en dix ans…» Il a cependant confirmé qu’il est bien décidé désormais à répondre aux critiques des médias, à l’impatience des Français et aux mauvais sondages qui se succèdent..

C’est ce changement dans le style Hollande qui a d’abord retenu l’attention des chroniqueurs notamment ceux de la Presse Quotidienne Régionale. C’est «à la première personne du singulier (“je suis en première ligne”) comme le souligne beaucoup d’observateurs que le chef de l’Etat s’est efforcé de reprendre la main. «Menton relevé, mais gestes apaisants. Déclarations martiales de chef de guerre contre la crise, (…), mais ton de père de famille tranquille ou d’instituteur à l’ancienne» souligne par exemple Christine Clerc dans Le Télégramme. Didier Rose, des Dernières Nouvelles d’Alsace, l’a trouvé «tendu, hors du registre de la séduction». «Sérieux, presque austère, il a montré qu’il était le patron», relève Bertrand Meinnel du Courrier picard.

Sarkosisation ?

La comparaison avec Nicolas Sarkozy s’est imposée. Philippe Waucampt (Républicain lorrain) a retenu un «ton plus viril et décidé» visant à «démontrer qu’il y a un taulier à l’Elysée, pour parler comme son prédécesseur dans cette excellente maison». D’autres vont plus loin dans le parallèle. «A son entrée en fonction, il avait pourtant promis: je ne déciderai pas de tout, pour tout et partout.

Nous avons compris hier soir que la promesse ne tient plus (…) Qu’on nous pardonne ce néologisme, M. Hollande se sarkozyse» juge «Le Progrès». Ainsi François Hollande serait-il à son tour condamné à endosser les habits d’un «hyper-président» qu’il détestait, comme l’évoque beaucoup d’éditorialistes.

Un ton condescendant pour parler de son Premier ministre et un langage guerrier. «Il parle de “combat” et promet de “rendre des comptes” devant les Français quitte à faire du Sarkozy bis», note par exemple Yann Marec dans Le Midi libre. Un «Nicolas Sarkozy dont le style va-t-en-guerre pourrait bien s imposer à cet homme qui se voyait en président normal», renchérit Philippe Marcacci dans L’Est républicain. Tous se rejoignent, dimanche soir François Hollande a «eu le souci de ne surtout pas apparaître en président “normal” dans une situation, celle de la France, qui ne l’est pas» comme le note Ivan Drapeau dans La Charente libre. «Le président socialiste n’a pas promis de la sueur et des larmes face à une situation dont il ne cache pourtant plus la gravité. Il a seulement exhorté à l’effort» nuance Bruno Dive dans Sud-Ouest qui ajoute que «on attendait Churchill et on a eu Schröder, ce qui n’est déjà pas si mal». On peut imaginer que devant son poste de télévision Martine Aubry a froncer des sourcils.

Virage social-démocrate ?

En assumant l’inévitable politique de rigueur même s’il s’agit d’une rigueur de gauche, François Hollande a-t-il amorcé le virage social démocrate qui certes pourrait rassurer les marchés et aussi son partenaire européen mais en abandonnant les «fondamentaux» de la gauche plurielle ?

C’est justement la question qui fâche à la gauche de la gauche bien sur (mais également au sein même d’un PS rivé à ses dogmes) où certains sont toujours prompts a crier à la trahison de classe. Bien évidemment Jean Luc Mélenchon ne pouvait laisser passer l’occasion de tirer à boulet rouges sur le locataire de l’Elysée et même s’il se veut respectueux du Président de la République, son jugement n’en est pas moins définitif : «Une politique d’austérité en France – 30 milliards d’euros retirés de la circulation économique du pays ! – c’est nécessairement, obligatoirement, absolument, l’enlisement”. L’Inquiétude est grande également, et c’est plus grave du côté des organisations syndicales.

Or voilà que s’ouvre un chantier capital dans l’agenda du «redressement» tracé par le chef de l’Etat, celui de la compétitivité des entreprises françaises qui passe par une réforme en profondeur du marché du travail. But affiché, atteindre un “équilibre gagnant-gagnant” entre protection des salariés et «souplesse » laissée aux entreprises.

Cela passe bien évidemment par une réforme du financement de la protection sociale. On en saura plus dans quelques jours avec le rapport commandé à Louis Gallois, l’ancien président d’EADS, dont on sait déjà qu’il est partisan d’un «choc de compétitivité». Or la marge de manœuvre est étroite. Le candidat Hollande n’a pas voulu ( à tort pensent certains de ses amis) de la TVA sociale chère à Nicolas Sarkozy. Comme il en a convenu le Président devra sans doute se rabattre sur la CSG et à une « taxation écologique» pour opérer l’indispensable transfert du poids du financement de la protection sociale des revenus du travail vers d’autres sources de revenus. Les arbitrages s’annoncent brulants. La concertation qui a commencé a pour objectif d’obtenir un «compromis historique» entre le partenaire social. Mais l’heure n’est plus aux négociations sans fin. Si un accord ne se dégageait pas d’ici la fin de l’année, le Président a prévenu que «l’Etat prendra ses responsabilités ».

Dans cette hypothèse plus qu’une droite décrédibilisée c’est d’abord sur sa gauche qu’il lui faudra convaincre. En se donnant deux ans pour réussir à inverser la courbe du chômage et à stabiliser la dette François Hollande tourne la page du «changement c’est maintenant», un slogan qui faisait boomerang. Mais ce n’est peut être qu’un sursis et celui qui se voyait reprocher une prudence excessive, vient de prendre un pari risqué. Avait-il le choix ?

18:39 Écrit par OUTALHA dans Economie | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | | |  Imprimer | |