Pourquoi cette levée de boucliers chez certains nantis contre la taxation, exceptionnelle et limitée dans le temps, des hauts revenus ?

FRANÇOIS HOLLANDE AMORCE LE DUR VIRAGE DE LA RIGUEUR (27/09/2012)

Certes le mot de rigueur, tabou à gauche comme hier à droite, n’a jamais été prononcé et pourtant François Hollande l’a pleinement assumé ce 9 septembre devant près de 10 millions de téléspectateurs sur le plateau du 20 heures TF1. La France sait maintenant qu’il lui faut se préparer au choc budgétaire le plus rude de ces trente dernières années. Le Président «normal» s’est donc transformé en Président de «combat» pour présenter sa première facture pour 2013 : 10 milliards d’économies budgétaires ; 10 milliards d’impôts pour les entreprises et 10 milliards d’impôts sur les ménages «aisés».

Le tout sur fond de croissance revue à la baisse (de 1,3 à 0,8%). Une rigueur sans précédent et des «riches» plus que jamais dans le collimateur du fisc. Hollande a décidé sans surprise de maintenir sa taxe à 75% pour les revenus qui dépassent un million d’euros tout en admettant qu’elle n’a qu’une valeur symbolique. Mais pouvait-il reculer au moment ou Bernard Arnault, l’homme le plus riche de France, et quatrième fortune sur la planète, se prépare toute honte bue à l’exil en Belgique.

L’essentiel est ailleurs. « Vous me dites il faut accélérer, j’accélère…» a concédé le Président avant d’ajouter à l’adresse de ses détracteurs et de son prédécesseur «mais je ne peux pas faire en quatre mois ce que d’autres n’ont pas fait en cinq ans ou en dix ans…» Il a cependant confirmé qu’il est bien décidé désormais à répondre aux critiques des médias, à l’impatience des Français et aux mauvais sondages qui se succèdent..

C’est ce changement dans le style Hollande qui a d’abord retenu l’attention des chroniqueurs notamment ceux de la Presse Quotidienne Régionale. C’est «à la première personne du singulier (“je suis en première ligne”) comme le souligne beaucoup d’observateurs que le chef de l’Etat s’est efforcé de reprendre la main. «Menton relevé, mais gestes apaisants. Déclarations martiales de chef de guerre contre la crise, (…), mais ton de père de famille tranquille ou d’instituteur à l’ancienne» souligne par exemple Christine Clerc dans Le Télégramme. Didier Rose, des Dernières Nouvelles d’Alsace, l’a trouvé «tendu, hors du registre de la séduction». «Sérieux, presque austère, il a montré qu’il était le patron», relève Bertrand Meinnel du Courrier picard.

Sarkosisation ?

La comparaison avec Nicolas Sarkozy s’est imposée. Philippe Waucampt (Républicain lorrain) a retenu un «ton plus viril et décidé» visant à «démontrer qu’il y a un taulier à l’Elysée, pour parler comme son prédécesseur dans cette excellente maison». D’autres vont plus loin dans le parallèle. «A son entrée en fonction, il avait pourtant promis: je ne déciderai pas de tout, pour tout et partout.

Nous avons compris hier soir que la promesse ne tient plus (…) Qu’on nous pardonne ce néologisme, M. Hollande se sarkozyse» juge «Le Progrès». Ainsi François Hollande serait-il à son tour condamné à endosser les habits d’un «hyper-président» qu’il détestait, comme l’évoque beaucoup d’éditorialistes.

Un ton condescendant pour parler de son Premier ministre et un langage guerrier. «Il parle de “combat” et promet de “rendre des comptes” devant les Français quitte à faire du Sarkozy bis», note par exemple Yann Marec dans Le Midi libre. Un «Nicolas Sarkozy dont le style va-t-en-guerre pourrait bien s imposer à cet homme qui se voyait en président normal», renchérit Philippe Marcacci dans L’Est républicain. Tous se rejoignent, dimanche soir François Hollande a «eu le souci de ne surtout pas apparaître en président “normal” dans une situation, celle de la France, qui ne l’est pas» comme le note Ivan Drapeau dans La Charente libre. «Le président socialiste n’a pas promis de la sueur et des larmes face à une situation dont il ne cache pourtant plus la gravité. Il a seulement exhorté à l’effort» nuance Bruno Dive dans Sud-Ouest qui ajoute que «on attendait Churchill et on a eu Schröder, ce qui n’est déjà pas si mal». On peut imaginer que devant son poste de télévision Martine Aubry a froncer des sourcils.

Virage social-démocrate ?

En assumant l’inévitable politique de rigueur même s’il s’agit d’une rigueur de gauche, François Hollande a-t-il amorcé le virage social démocrate qui certes pourrait rassurer les marchés et aussi son partenaire européen mais en abandonnant les «fondamentaux» de la gauche plurielle ?

C’est justement la question qui fâche à la gauche de la gauche bien sur (mais également au sein même d’un PS rivé à ses dogmes) où certains sont toujours prompts a crier à la trahison de classe. Bien évidemment Jean Luc Mélenchon ne pouvait laisser passer l’occasion de tirer à boulet rouges sur le locataire de l’Elysée et même s’il se veut respectueux du Président de la République, son jugement n’en est pas moins définitif : «Une politique d’austérité en France – 30 milliards d’euros retirés de la circulation économique du pays ! – c’est nécessairement, obligatoirement, absolument, l’enlisement”. L’Inquiétude est grande également, et c’est plus grave du côté des organisations syndicales.

Or voilà que s’ouvre un chantier capital dans l’agenda du «redressement» tracé par le chef de l’Etat, celui de la compétitivité des entreprises françaises qui passe par une réforme en profondeur du marché du travail. But affiché, atteindre un “équilibre gagnant-gagnant” entre protection des salariés et «souplesse » laissée aux entreprises.

Cela passe bien évidemment par une réforme du financement de la protection sociale. On en saura plus dans quelques jours avec le rapport commandé à Louis Gallois, l’ancien président d’EADS, dont on sait déjà qu’il est partisan d’un «choc de compétitivité». Or la marge de manœuvre est étroite. Le candidat Hollande n’a pas voulu ( à tort pensent certains de ses amis) de la TVA sociale chère à Nicolas Sarkozy. Comme il en a convenu le Président devra sans doute se rabattre sur la CSG et à une « taxation écologique» pour opérer l’indispensable transfert du poids du financement de la protection sociale des revenus du travail vers d’autres sources de revenus. Les arbitrages s’annoncent brulants. La concertation qui a commencé a pour objectif d’obtenir un «compromis historique» entre le partenaire social. Mais l’heure n’est plus aux négociations sans fin. Si un accord ne se dégageait pas d’ici la fin de l’année, le Président a prévenu que «l’Etat prendra ses responsabilités ».

Dans cette hypothèse plus qu’une droite décrédibilisée c’est d’abord sur sa gauche qu’il lui faudra convaincre. En se donnant deux ans pour réussir à inverser la courbe du chômage et à stabiliser la dette François Hollande tourne la page du «changement c’est maintenant», un slogan qui faisait boomerang. Mais ce n’est peut être qu’un sursis et celui qui se voyait reprocher une prudence excessive, vient de prendre un pari risqué. Avait-il le choix ?

18:39 Écrit par OUTALHA | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | | |  Imprimer | |