06/02/2013
Islam et l’Occident : le péril vert
Les attaques du 11 septembre 2001 et la « guerre contre la terreur » qui a suivi ont fourni une opportunité à l’establishment américain de la politique extérieure, qui souffrait du Syndrome de l’Absence d’Ennemi depuis la fin de la guerre froide, de se trouver un nouvel ogre.
L’islam radical a servi d’alibi à l’interventionnisme américain pour une soi-disant modernisation du Grand Moyen-Orient. A l’heure des bilans, force est de constater l’échec de l’administration Bush à accomplir cette mission.
Comment l’expliquer? En s’appuyant sur d’autres échecs américains en matière de politique étrangère, voici des idées qui nous aident à mieux comprendre comment le regard simpliste des néoconservateurs de l’administration Bush les a conduits à commettre des erreurs stratégiques précipitant la région du Moyen-Orient dans l’instabilité et la violence.
Les attaques du 11 septembre 2001 et la « guerre contre la terreur » qui a suivi ont fourni une opportunité à l’establishment américain de la politique extérieure, qui souffrait du Syndrome de l’Absence d’Ennemi depuis la fin de la guerre froide, de se trouver un nouvel ogre : l’Islam radical, ou le « Péril Vert ». Les idéologues néoconservateurs qui ont pris d’assaut l’appareil de la politique extérieure de George W. Bush ont embrassé l’idée de Huntington d’une confrontation entre l’Islam et l’Occident. Ils la voient comme une façon de justifier la puissance militaire américaine pour établir une hégémonie américaine au Moyen-Orient tout en imposant les valeurs américaines. Et ce pour régler le problème de la montée de «l’Islamofascisme».
Selon ce dogme néoconservateur, que Bush a tenté d’appliquer en Mésopotamie, un Irak libre et démocratique deviendrait le modèle de réforme économique et politique dans le monde arabe et dans le Moyen-Orient plus large, et une série de révolutions presque pacifiques serait engagées des frontières islamiques de la Chine, à l’Iran, à la Syrie, au Liban, à la Palestine, jusqu’aux frontières des Balkans. Les nouveaux paradigmes de politique étrangère, comme les nouvelles religions ou les nouvelles idéologies politiques, sont produits par des entrepreneurs intellectuels qui espèrent gagner un statut auprès de ceux qui cherchent le pouvoir, et ainsi exercer une influence sur eux. En même temps, les politiciens font usage de ces visions du monde pour mobiliser la nation, le peuple, ou une classe contre une menace extérieure qui met en jeu prétendument « nos » intérêts et valeurs. Dans cette perspective, le nouveau « monstre islamique » des néoconservateurs a très clairement servi les intérêts du Triangle de fer de Washington : les bureaucrates, les législateurs et les groupes d’intérêt. Pour ce Triangle de Fer, la menace islamique – un peu à l’image du communisme pendant la guerre froide – permet d’exercer une pression en faveur d’une expansion des budgets vers la défense, les opérations secrètes, et les groupes d’intérêt favoris du moment.
Le problème est que les paradigmes de politique extérieure sont des constructions intellectuelles qui reflètent l’imagination de leurs producteurs et les intérêts de leurs promoteurs.
Le résultat est que la réalité a tendance à nous rappeler à son bon souvenir. Ainsi durant la guerre froide, l’idée d’un bloc communiste monolithique mené par l’URSS a rendu inévitable le fait que les USA confondent les intérêts nationaux qui conduisaient les politiques du Viet Nam, de la Chine et de Cuba avec les intérêts globaux de l’URSS : les résultats en termes de politique américaine furent désastreux. De même, après que l’URSS a disparu, les Américains se sont rendu compte que l’effondrement du communisme n’avait pas déclenché une vague de liberté politique et économique dans l’ancien empire soviétique.
Le temps est venu de remettre en question la grande idée selon laquelle le monde musulman, ou le Moyen-Orient, ou encore le monde arabe possède une culture économique et politique monolithique et unique qui le rend résistant aux effets de modernisation de l’Occident. Quelle que soit la propagande de Washington à l’égard de la menace globale de « l’islamofascisme », il n’y a pas de fondations idéologiques communes qui unissent les divers courants des groupes influencés par l’Islam (les mouvements nationalistes arabes Baathiste et Nassériste, la doctrine stricte du Wahhabisme de l’Arabie Saoudite, le dogme révolutionnaire et millénariste qui guide les dirigeants chiites en Iran, la tradition laïque, républicaine et étatiste de la Turquie kémaliste, etc.).
De ce point de vue, le monde arabe ou le Moyen-Orient ou encore le Moyen-Orient arabe est une mosaïque d’Etats-nations, de groupes ethniques, de sectes religieuses, de groupes tribaux, un méli-mélo d’idéologies politiques, de systèmes économiques et de cultures. Quelques-uns de ces acteurs ont rejoint « l’âge moderne » (Malaisie, Indonésie, Turquie et Emirats Arabes Unis) ; la plupart des autres sont clairement restés en marge des révolutions économiques et technologique.
D’une certaine manière, les puissances occidentales ont été responsables du fait que des dictatures militaires retardant les réformes économiques ont contrôlé les Etats-Nations du Moyen-Orient depuis si longtemps.
La concurrence géostratégique entre puissances extérieures, particulièrement durant la guerre froide, a encouragé les USA et leurs alliés à exploiter des conflits régionaux comme le conflit arabo-israélien, et à fournir un soutien militaire et économique aux hommes forts locaux qui étaient censés servir les intérêts des extérieurs. Mais le temps est venu pour les puissances occidentales de concentrer leurs efforts à mettre un terme au conflit israélo-arabe, et de créer des incitations pour la région de manière à ce qu’elle s’ouvre à l’économie mondiale. Cela comprend libéraliser leurs économies, réduire les barrières tarifaires et encourager l’investissement étranger direct.
Si le libre-échange n’est pas une panacée, il pourrait être une pierre d’angle pour un Moyen-Orient plus pacifique et prospère. Il pourrait encourager la montée d’une classe moyenne de professionnels ayant des valeurs plus en accord avec les idées et technologies modernes. Cet effort pourrait aussi aider à réduire la pauvreté et les inégalités économiques, et consolider la paix.
18:39 Écrit par OUTALHA dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
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L’INSECURITE CULTURELLE
L'atomisation des structures sociétales fait saillir l'image des communautarismes ou supposés tels. Pour des pans de la société, c'est une insécurité que représente ce monde où tout cadre unitaire s'estompe, où ceux qui ne sont pas en "mouvement" seraient disqualifiés. Ceux qui y appartiennent exigent un retour à une société construite, avec une hiérarchie de valeurs et de travail légitime.
Cette dynamique a contribué à la diffusion d'une fiction sociale dans laquelle les populations d'origine arabo-musulmane représentaient quant à elles un corps unifié socialement, culturellement et religieusement.
Cette cristallisation entre la représentation d'un "nous" composé d'individus épars en concurrence, et un "eux" imaginé comme solidaire, entraîne dans l'imaginaire des populations une coagulation des insécurités : physique, économique, culturelle, elles ne constituent en fait qu'un seul bloc pour de nombreuses personnes, déplaçant ainsi sur une critique des populations d'origine arabo-musulmane le rapport entre les transformations de l'économie, des technologies et de nos modes de vie.
Ce sentiment d'insécurité culturelle est encore plus vivace chez ceux à qui est affirmé qu'ils ne sont pas adaptés à la mondialisation et à ses conséquences sur nos structures économiques.
Tandis que cette analyse s'esquissait par des échanges entre spécialistes de la recherche en sciences sociales, elle était reprise à la volée dans un champ médiatique structuré par la posture éthique et esthétique, en fait une société du spectacle assez révélatrice de chaos social sus-décrit.
Le résultat fut une accumulation de contresens : dénonciation d'un "concept d'extrême droite", voire admonestation d'une "sécurité identitaire" destinée à contourner la question de l'insécurité économique ou, à l'opposé, valorisation de la défense des "petits Blancs"...
Or, l'hypothèse de l'insécurité culturelle n'est pas un thème identitaire destiné à masquer la question sociale, mais relève d'une question socio-économique qui a une implication culturelle.
Pour la contrer, il faut répondre à l'atomisation et la à précarisation du travail. C'est pourquoi la droite populaire et la Droite forte ne peuvent concurrencer le FN : elles avalisent sa perception insécurisée, mais n'y apportent pas comme lui une réponse globale, avec la promotion frontiste d'une souveraineté nationale, identitaire, populaire et sociale.
On ne saurait pour autant considérer que la gauche a, en la matière, les coudées franches. Car quand bien même réussirait-elle socialement qu'il lui resterait encore à reproduire du commun. Quoique cela relève plus du législateur que du chercheur, quelques pistes peuvent être évoquées.
A l'encontre de la guerre des mémoires communautaires et de leur quête du monopole du capital symbolique pourrait être instauré, tout le long du cursus scolaire, un cours d'histoire-géographie de la France, venant compléter le cours général actuel et instituant un socle culturel commun.
Bien sûr, il aborderait tous les "passés qui ne passent pas", mais sous l'angle du savoir, et ne se confondrait pas avec les futurs cours de "morale républicaine" qui doivent, eux, fournir un bagage non pas scientifique mais civique.
Plutôt que de signifier à une moitié de l'électorat que son choix partisan n'est pas représenté, légitimant l'idée que l'Etat est aux mains d'oligarques, le mode de suffrage universel direct à la proportionnelle pourrait être appliqué au Sénat sans nullement déstabiliser nos institutions.
Un service civique pourrait être rétribué en bonus aux concours administratifs ou à la formation professionnelle.
A toute strate administrative devrait correspondre une existence civique, restaurant le sens du bien commun, où il pourrait être possible d'organiser, par l'exécutif comme sous initiative populaire, un référendum portant sur des questions relatives aux prérogatives de cette structure.
On le voit, envisager le rôle de l'insécurité culturelle dépasse l'enjeu premier de compréhension des dynamiques des droites. Il s'agit de répondre à la façon dont l'insécurité culturelle surexcite l'"altérophobie".
Cette crispation contre l'autre, depuis la fin du XIXe siècle, joue sur une assignation de l'individu à un groupe ethno-culturel, souvent cultuel - même les législations racistes du IIIe Reich et de Vichy définissaient la "race" biologique juive par la confession des ascendants des personnes concernées.
L'"altérophobie" est devenue, comme le montre l'actualité jour après jour, l'un des phénomènes sociaux les plus prégnants, alors qu'assigner l'individu à une identité est le contraire de la République qui a fait des citoyens libres liés par un contrat social.
Ainsi, chercher à répondre à l'insécurité culturelle ne se limite pas à réintégrer les électeurs frontistes à l'électorat des partis de gouvernement. C'est retrouver l'esprit de Jaurès : intégrer le peuple à la République, car l'un et l'autre ne font qu'un.
18:36 Écrit par OUTALHA dans Sports | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
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