Pourquoi cette levée de boucliers chez certains nantis contre la taxation, exceptionnelle et limitée dans le temps, des hauts revenus ?

22/09/2012

Deux affaires similaires, deux juges et deux verdicts contradictoires !

Un magistrat a préféré s’en tenir strictement à l’esprit d’un texte ancien et obsolète. L’autre, en revanche, a fait l’effort de recourir au bon sens et a pris le risque de dépasser le texte pour rendre une décision plus logique et plus conforme à la réalité. Au passage, il a créé une jurisprudence qui servira grandement à ses confrères. Mais encore faut-il que les magistrats fassent preuve de courage, de bon sens et d’inventivité.

Parfois le hasard fait bien mal les choses. Ahmed S. et Bachir T. ne se connaissent pas, et ne se connaîtront vraisemblablement jamais. Pourtant ils ont un point commun pour le malheur de l’un et le bonheur de l’autre : ils ont eu affaire au même juge pour un problème similaire.

Ils sont tous deux propriétaires de locaux loués à des tiers pour usage commercial. Dans les deux cas, les locataires indélicats ne paient plus le loyer depuis belle lurette, et ont même disparu de la circulation. Et dans les deux cas, plusieurs magistrats, imperturbables, ont rejeté toutes les demandes d’expulsion, au motif que la procédure à suivre est celle prévue par l’archaïque dahir du 24 mai 1955, inadapté à ce genre de situations depuis des lustres.

Ils n’en peuvent plus, ils sont à bout de nerfs, et ne pensent qu’à une chose : récupérer leurs locaux, inexploités, abandonnés…mais fermés à double tour par les locataires. Puis, en ce début juin 2012, leur avocat (autre point commun, ils ont le même avocat) leur propose de tenter une approche inédite, hasardeuse, et hypothétique…mais, argue-t-il : «Qui ne risque rien n’a rien» !

Puisque l’expulsion est refusée, demandons alors la restitution aux propriétaires des locaux non utilisés. On ne parle plus de bail commercial, mais de récupération de biens en déshérence… ce qui change tout. Une action en référé est aussitôt engagée pour les deux cas. Les dossiers atterrissent entre les mains du juge X magistrat aguerri, maîtrisant parfaitement ce genre de contentieux. Tout se passe bien, les dossiers sont rapidement enrôlés et envoyés à une audience de début juillet. Lors de cette audience, le juge constate que les convocations adressées au locataire d’Ahmed ne portent aucune mention, et demande alors au juriste de re-citer le locataire, et de veiller à ce que la convocation revienne avec la mention «Local fermé depuis…ans».

Par contre, les convocations du dossier de Bachir comportent bien cette mention. Donc, le magistrat ordonne de suite l’affichage d’une annonce légale en vue d’éviction sur la porte du magasin de Bachir et renvoie le dossier d’Ahmed à une date ultérieure.

Lors de celle-ci, surprise : le juge X, parti en vacances, se voit remplacé par le juge Y peu au fait de toutes ces embrouilles de locaux commerciaux, faites d’arnaques et de coups tordus en tous genres. Il constate donc que les convocations du dossier d’Ahmed portent bien la mention «Local abandonné depuis 4 ans, selon les voisins», semble satisfait et décide de placer le dossier en délibéré, en vue du jugement.
Entre-temps, les trente jours stipulés par l’annonce d’éviction arrivent à terme, le locataire ne s’est pas manifesté, et le dossier est également mis en délibéré.
Tout semble correct et les intéressés et leur conseil sont confiants : la procédure est identique, les délais sont respectés, et toutes les astuces procédurales et complexes soigneusement vérifiées.

Le 16 août, le juge Y estime irrecevable la demande d’Ahmed (pour des motifs encore inconnus à ce jour), expliquant laborieusement à l’avocat qui s’étonnait de pareille décision : «C’est que, voyez-vous maître, les adresses étaient un peu confuses…et vous n’êtes pas sans ignorer que dans ce genre de contentieux, ce n’est pas la procédure en référé qu’il faut suivre, mais une procédure de fond, basée sur les dispositions du dahir de 1955. C’est la loi». Certes, s’il le dit.
Le 22 août, rentrant de vacances et reprenant sa place, le juge donne suite à la demande de Bachir et ordonne la restitution immédiate et sans conditions du local commercial à l’heureux (et veinard) propriétaire.
Il serait intéressant de connaître la pensée du juge Y, concernant le jugement rendu par son confrère, collègue, voisin de bureau et camarade de promotion.

Il serait tout aussi intéressant de s’interroger, dans de pareils cas, lequel des deux magistrats a rendu la justice, la vraie ? Celui (Y), le timoré qui n’applique que les textes, mais certainement pas à bon escient ? Ou celui, (X), qui ose prendre des risques (calculés, certes), établir une jurisprudence évolutive…et, finalement, prendre une décision judiciaire empreinte de bon sens ?

20:10 Écrit par OUTALHA dans MAROC | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | | |  Imprimer | |

9 000 salariés étrangers déclarés au Maroc. Combien sont-ils en réalité ?

Du fait des facilités d'entrée au Maroc, les Européens contournent les formalités de visa en faisant des allers-retours tous les trois mois. Français, Turcs et Chinois arrivent en première position. Le Maroc compte beaucoup moins d'étrangers qu'au début des années 60 et demeure essentiellement un pays d'émigration.

Le Maroc un pays d’immigration après avoir été, par excellence, celui de l’émigration ? Le ministre PPS de l’emploi, Abdelouahed Souhail, semble le croire lui qui, début juillet, dans une intervention à un forum du Conseil économique et social de l’ONU, établit un lien de causalité entre «la crise de l’emploi au Maroc» et «l’afflux de ressortissants des pays du Nord (…)» ! Les chiffres pourtant n’indiquent nullement que le Maroc soit devenu ou est en train de devenir un pays d’immigration.
Lors du dernier recensement général de la population et de l’habitat (RGPH) réalisé par le Haut commissariat au plan (HCP) en 2004, la surprise a été grande pour beaucoup de découvrir que, finalement, le nombre d’étrangers officiellement résidents au Maroc n’était que de 51 435 personnes, soit 0,17% de la population totale recensée à cette date. En 1960, quatre ans après l’indépendance du pays, le Maroc comptait 396 000 étrangers. 44 ans après, il n’en restait que 50 000.

En 2014, date du prochain RGPH, nous saurons si cette communauté d’étrangers a augmenté ou non et dans quelle proportion. Mais une quasi-certitude déjà : quelque importante que puisse être l’évolution du nombre d’étrangers depuis 2004, leur poids ne dépassera pas 1% de la population totale, tout au plus ! Rien à voir avec les proportions d’étrangers observées dans les pays réels d’immigration : 70% aux Emirats Arabes Unis, 35% au Luxembourg, 23% en Suisse, 22% en Australie, 21% au Canada, 16% en Autriche, 14% en Suède, etc. Ceci pour le cadre général. Sur la question spécifique de l’emploi, les étrangers travaillant au Maroc sont numériquement encore plus faibles. De là à penser qu’ils puissent «amplifier la crise de l’emploi»…

L’Anapec accorde en moyenne 2 000 attestations d’activité par an

Selon les statistiques du département de l’emploi, les salariés étrangers à la fin de l’année 2011 sont un peu moins de 9 000 personnes. Il s’agit bien sûr de travailleurs dont les contrats ont été visés, en premier établissement ou en renouvellement, par l’administration de l’emploi. Ce chiffre mérite quelques correctifs, le premier étant que certains étrangers, notamment européens, du fait des facilités d’entrée au Maroc dont ils bénéficient, n’accomplissent pas la formalité du visa de travail, ils peuvent se contenter d’un séjour touristique de trois mois renouvelables autant de fois que nécessaires par une simple sortie hors du territoire le temps d’un week-end par exemple. Ces personnes n’apparaissent donc pas dans les statistiques du ministère de l’emploi. Mais, objectivement, elles ne doivent pas être des masses ! Les salariés étrangers au Maroc, en vérité, représentent peu de choses. Même en considérant, hypothèse hautement improbable, que ceux qui sont déclarés au service du visa de l’emploi ne sont que la moitié de la population réelle des salariés étrangers, ceux-ci ne seraient qu’à peine 18 000. Que pèsent-ils dans la population active occupée, qui est de 10,3 millions de personnes, ou même dans la population des chômeurs qui est, au dernier chiffre, de 1,13 million de personnes. On est là sur des échelles tout à fait différentes.

Par ailleurs, ces salariés étrangers travaillent en général pour des sociétés étrangères ou à participation étrangère, et dans leur cas, il ne s’agit pas d’une immigration économique à proprement parler mais plutôt professionnelle et temporaire. Ce n’est d’ailleurs pas par hasard si les ressortissants de nationalité française sont en tête des salariés (3 116) dont le contrat a été visé par le ministère de l’emploi. Rappelons en effet que la France est économiquement très présente au Maroc, elle y est le premier investisseur. De la même manière, si les Turcs (740) viennent en deuxième position en termes de contrats visés par l’administration, c’est parce que ces dernières années, les entreprises turques sont fortement présentes au Maroc dans le cadre des marchés d’infrastructures qu’elles réalisent. La preuve, s’il en fallait encore une, qu’il s’agit moins d’immigration économique que professionnelle et temporaire, c’est que le classement des contrats visés par nationalité montre que les quatre premières concernent de grands pays développés : France (3116 salariés), Turquie (740), Chine (625) et Espagne (298).

Dans les pays dits d’immigration, le gros des travailleurs étrangers est issu de pays pauvres et/ou en voie de développement. Ce qui n’est pas le cas au Maroc. Mis à part le Sénégal classé à la sixième place par ordre d’importance de ses ressortissants salariés au Maroc, le premier pays africain, donc sous-développé, en l’occurrence le Congo, apparaît à la 20e place avec 92 ressortissants salariés.

Par ailleurs, même si l’ANAPEC accorde quelque 2 000 attestations d’activité en moyenne annuelle, le stock des salariés étrangers ne s’apprécie pas du même chiffre, ce qui accrédite l’idée qu’il s’agit d’activité plutôt temporaire. Entre 2007 et 2011, le stock des salariés dont les contrats ont été visés par le ministère de l’emploi n’a en effet augmenté que de 1398 personnes (voir tableau), soit une moyenne de 280 personnes par an...

Salarié étranger : le sésame de l'ANAPEC

Les entreprises désirant engager des salariés étrangers doivent d’abord s’adresser à l’ANAPEC qui vérifiera par une annonce publicitaire que le profil à recruter n’existe par sur le marché. Si, à l’issue de l’annonce, aucun candidat marocain ne s’est manifesté pour le poste, l’ANAPEC délivre alors «une attestation d’activité pour les salariés étrangers» et l’employeur est ainsi autorisé à recruter l’étranger mais après avoir obtenu un visa du ministère de l’emploi.

Cette procédure longue et fastidieuse que beaucoup abandonnent en cours de route, s’applique à tous les étrangers, sauf aux Sénégalais, aux Algériens et aux Tunisiens. Selon l’ANAPEC, environ 2 000 attestations en moyenne sont délivrées chaque année, sur environ 4 000 demandes.

20:05 Écrit par OUTALHA dans MAROC | Lien permanent | Commentaires (1) |  Facebook | | |  Imprimer | |