05/11/2012
Les étrangers n’ont plus droit à la "kafala", les associations protestent
Une circulaire du ministère de la justice écarte les étrangers non résidents au Maroc du droit à la kafala. Un collectif de six associations crie au scandale. Le suivi de la kafala ne pouvant être assuré à l’étranger, le ministère craint que l’enfant adopté ne soit pas éduqué selon les préceptes de l’islam.
Le 19 septembre dernier, une circulaire (N° 40 S/2) du ministère de la justice et des libertés est tombée comme un pavé dans la mare. Les associations qui se battent pour que les enfants abandonnés aient droit à des parents (même adoptifs) s’estiment lésées. Adressée aux procureurs des Cours d’appel et des tribunaux de première instance, cette circulaire exhorte ces derniers, après enquête, à refuser la kafala (l’adoption à la marocaine) «aux étrangers qui ne résident pas habituellement au Maroc». Et donc, qu’elle «ne soit accordée qu’aux demandeurs qui résident d’une manière permanente sur le territoire national».
L’argumentaire développé dans la même circulaire pour justifier cette interdiction se base sur le fait que le juge de tutelle censé accorder (ou refuser) la kafala et faire le suivi de son application est incapable d’enquêter, pour les personnes qui ne vivent pas au Maroc, sur «leur aptitude morale, sociale et leur capacité à élever un enfant abandonné selon les préceptes de l’Islam». L’article 9 de la loi sur la kafala (Dahir n° 1.02-239 du 03/10/2002, voir encadré) exige, en effet, du juge de tutelle de vérifier que toutes les garanties sont réunies sur le kafil (moyens matériels, moralité, santé, âge…) avant de donner son accord à la kafala, et de suivre même son exécution avec le pouvoir de la retirer s’il s’avère que le kafil n’est plus apte à l’assumer dans les meilleures conditions. Bien entendu, quand le ministère parle des étrangers, il écarte par définition les demandeurs d’une autre confession religieuse, cela en application de la même loi régissant la kafala.
Cette décision d’écarter les étrangers de la kafala, même s’ils sont musulmans (n’habitant pas le Maroc) provoque un vif désarroi au sein du microcosme associatif lié de près ou de loin au phénomène des enfants abandonnés ou orphelins. Le 12 octobre courant, le collectif Kafala, composé de six associations (Village d’Enfants, l’Association Bébés du Maroc, la Fondation Rita Zniber, l’Association Dar Atfal Al Wafae, l’Association Osraty et l’association Amis des Enfants), réagit fermement en rendant publique une pétition qui s’élève contre cette décision, tout en se demandant quelles mesures de substitution le ministère mettra -t-il en place «pour préserver l’intérêt supérieur de l’enfant tel qu’il est défini par la législation nationale et internationale». Pour le collectif, cette circulaire privera, de l’adoption, des milliers d’enfants qui sont dans l’attente d’une famille dans les orphelinats et autres organismes d’accueil. Selon les estimations, 24 bébés sont abandonnés chaque jour. Or la capacité d’accueil des orphelinats est largement dépassée puisque l’on compte chaque année 6 000 enfants abandonnés, pour une raison ou une autre, au Maroc. Toujours, selon le même collectif, les familles marocaines (ou étrangères) résidant au Maroc, et qui sont les seules autorisées dorénavant à adopter des enfants, ne peuvent absorber tout ces enfants accueillis dans les orphelinats. D’autant qu’au niveau du nombre «la kafala nationale est pratiquement égale à la kafala internationale (50%)», estime Asmaa Benslimane, présidente fondatrice de l’association Bébés du Maroc.
10% des enfants abandonnés se suicident
Les effets de cette interdiction, selon les auteurs de cette pétition, seraient «dramatiques» puisque toute une cohorte de bébés et d’enfants sans parents ne trouveraient pas preneur. Avec tout ce que cela entraîne comme dégâts, car, par expérience, selon ce collectif, «les enfants qui restent dans les orphelinats deviennent à 80% des délinquants, se suicident dans 10% des cas, et ne sont socialement insérés qu’à raison de 10%. Cette circulaire va aggraver la situation en mettant les centres dans l’incapacité de recevoir plus d’enfants et les réseaux parallèles de trafic en tous genres ne rateront pas cette opportunité».
Le phénomène des enfants abandonnés prend en effet de l’ampleur ces dernières années, et le Maroc aura à gagner à avoir des demandeurs, peu importe qu’ils habitent au Maroc ou à l’étranger. Selon l’étude nationale réalisée par l’association INSAF en 2010 sur les mères célibataires, 27 200 jeunes femmes ont accouché en 2009 d’un bébé en dehors des liens du mariage. Selon la même étude, 153 bébés naissent hors mariage chaque jour, et 24 d’entre eux sont abandonnés.
Une autre étude, plus ancienne celle-là, menée en 2009 par la Ligue marocaine pour la protection de l’enfance et l’UNICEF, avait révélé que le nombre d’enfants abandonnés s’élevait (en 2008) à 4 554, soit 1,3% du total des naissances de cette année. Ces enfants, du moins pour ceux qui ont la chance d’être accueillis dans les maisons de santé et autres centres de protection de l’enfance, «ont aussi le droit à une affection parentale», estime le collectif, ce qui est tout à fait humain. Trois questions se posent et auxquelles il faudra des réponses. Primo, pourquoi cette mesure interdisant la kafala aux personnes ne résidant pas au Maroc, sachant que la moitié des kafils sont étrangers, et cela le ministère le sait fort bien ? Deuxio : les Marocains résidents à l’étranger (MRE) sont-ils eux aussi concernés par cette décision ? Tertio : quid des demandes en instance provenant de personnes ne résidant pas au Maroc, dont la procédure a été entamée avant même la circulaire, et de ceux qui ont déjà adopté ?
La réponse à la première question nous vient de la circulaire elle-même : «Le suivi de la pratique judiciaire indique que ces dispositions (NDLR : celles prévues par la loi sur la kafala) ne sont pas exécutées efficacement et correctement, de façon à refléter les intentions du législateur qui sont de trouver le cadre approprié pour la protection de l’enfant abandonné, afin que son éducation se fasse dans un climat le préparant à assurer son avenir, afin qu’il joue son rôle au sein de la société».
Les juges censés suivre la procédure de la kafala ont-ils eu écho d’exactions, d’abus et de violence à l’égard de ces enfants adoptés par des étrangers (ou des Marocains) ne vivant pas sur le sol national ? Y a-t-il eu des cas, comme le laisse entendre ce responsable au département des affaires civiles au sein du ministère de la justice, «d’enfants qui ont été forcés de changer de religion ou qui ont été abusés sexuellement» ? «On ne sait pas exactement», répond, étonnée, Asmaa Benslimane.
La procédure de la kafala mal appliquée ?
Une chose est sûre : Latifa Taoufik, juge et collaboratrice du secrétaire général du ministère de la justice, se veut rassurante. Elle indique à La Vie éco que la dite circulaire est venue «suite aux rapports que le ministère a reçus, et qui font état de parents adoptifs qui exploitent et maltraitent les enfants adoptés à l’étranger sans aucun contrôle». Puisque la procédure est mal appliquée, ajoute-t-elle, le ministère «a voulu durcir la procédure, en attendant que des accords bilatéraux sur la question soient signés avec les pays où cette kafala est appliquée».
Et sur la question de savoir si les MRE sont aussi interdits de la kafala, la même source indique qu’il n’a jamais été question dans cette circulaire de «priver les Marocains de l’étranger de ce droit». Ces derniers, selon elle, «gardent dans leur majorité des liens étroits avec leur pays d’origine, et ce contrôle peut être fait, soit au Maroc quand ils sont ici, soit dans les pays où ils vivent par le biais des consulats marocains. D’ailleurs, si la circulaire est envoyée aux procureurs des Cours d’appel et des tribunaux de première instance, c’est aux juges des mineurs de statuer au cas par cas, selon leur enquête». Cela dit, une chose est claire dans la circulaire : l’article 24 de la loi sur la kafala autorisant les kafils de quitter le territoire national avec l’enfant abandonné pour résider définitivement à l’étranger est mis en veilleuse, car ne permettant pas, dit cette circulaire, «le suivi de la situation de l’enfant, objet de la kafala, en dehors du territoire national».
Et les dossiers en cours de demandeurs étrangers ayant déjà entamé la procédure ? Ils se compteraient «par dizaines», estime-t-on dans le milieu associatif travaillant sur la kafala, et leur sort est encore incertain. Pour le seul orphelinat Lalla Hasna à Casablanca, on ne compte pas moins de 22 demandes en instance, émanant d’étrangers ne résidant pas au Maroc : «Des MRE avec mariage mixte, des étrangers convertis à l’islam et des musulmans de naissance. Ils sont venus de France, du Canada, de Dubaï, des Etats-Unis…», indique Samira Kaouachi, directrice de l’orphelinat, qui est l’un des plus anciens au Maroc puisqu’il a été créé en 1956 (voir encadré en page précédente). Et d’ajouter que ces musulmans étrangers choisissent souvent des enfants présentant des affections physiques ou mentales, que les Marocains n’acceptent jamais.
«Il n’est pas normal, conclut-elle, que ces 22 dossiers en instance ne soient pas réglés, les futurs kafils sont déterminés et ils éprouvent une certaine frustration de ne pouvoir faire aboutir leur démarche. Réglons d’abord ces dossiers, quitte à trouver pour ceux qui seront déposés dans le futur par des étrangers des modes de suivi adéquats. Car il est inadmissible que ces enfants restent “stockés” chez nous sans trouver preneur».
Un autre problème complique encore les choses dans cette maison d’enfants : celui des retours. De fin 2011 à octobre 2012, cet orphelinat a enregistré quatre retours d’enfants adoptés, et deux sont en cours. «Et là, les parents adoptifs sont des Marocains musulmans résidant au Maroc qui rendent ces enfants comme on rend une marchandise défectueuse, sous prétexte qu’ils sont nerveux, turbulents ou je ne sais quoi. Est-ce cela l’islam ?», s’interroge, hors d’elle, Mme Kaouachi.
Kafala : La supplique de M.J, une Espagnole musulmane, adressée ce mois d’octobre à M. Maazouz, ministre des MRE
«J’ai commencé la procédure pour la kafala d´un enfant que j’aime de tout mon cœur, et qui fêtera ce mois-ci son premier anniversaire. Il a été abandonné par sa mère biologique le jour de sa naissance, et depuis, il a vécu dans le Centre Lalla Hasna, de l´Association Al Ihssane, à Casablanca. Le jour où je l´ai vu pour la première fois dans ce centre, le 1er décembre 2011, a été le plus heureux de ma vie. Il avait les yeux grand ouverts et il m´a regardée fixement comme s´il voulait me dire qu´il voulait que je l´aime comme mon propre enfant, et que je l’acceptais comme sa mère. Dix longs mois se sont déjà écoulés depuis cette première rencontre. Depuis ce jour-là, je suis allée le voir tous les mois, ce qui fait que je ressens de plus en plus d´amour envers lui. J´ai hâte de pouvoir vivre avec lui et de pouvoir être sa maman. Il me reconnaît au fur et à mesure que je l´embrasse, l´enlace et lui donne les biberons. J´ai changé ses couches. Je lui ai chuchoté des chansons à l´oreille. On a eu le temps de jouer, et il a même connu ma famille. Je lui répète souvent qu´il est le plus bel enfant, le plus intelligent, le plus sympathique. Je lui dis que je l´aime beaucoup et que nous serons bientôt ensemble, une bonne fois pour toutes.
J´ai vu comment il grandissait petit à petit, comment il a appris à jouer, à s´asseoir, à balbutier ses syllabes, et à montrer ses premiers sourires. J´ai vu ses premières dents et la première fois qu´il a marché à quatre pattes. Il a toujours envie d´être dans mes bras, et lors de ma dernière visite il m´a appelée “maman”.
J´éprouve pour lui l´amour qu´une mère éprouve pour son enfant, et je voudrais vous signaler aussi que j´aime et respecte sa culture et son pays ainsi que sa religion qui est désormais la mienne : l´islam.
Si cette enfant pouvait parler, s´il pouvait s´exprimer, je suis sûre et certaine qu´il vous demanderait de me laisser devenir sa mère. Je suis sûre qu´il vous demanderait de l´aide pour que je sois sa maman. Il ne veut surtout pas perdre sa maman pour une deuxième fois. Je vous prie, pour son bonheur et pour mon amour envers lui, d´approuver la kafala dont la procédure est déjà entamée».
Kafala : De plus en plus de dossiers en instance de la kafala internationale...
De 1990 à octobre 2009, l’orphelinat Lalla Hasna a accueilli 2 447 enfants, dont 1 389 ont bénéficié de la kafala. Entre 2010 et octobre 2012, elle a accueilli 300 autres enfants, dont 244 ont été adoptés, parmi eux 50 ont échu à des étrangers non résidant au Maroc. Actuellement, 22 sont en instance d’adoption par des étrangers également, dont 18 souffrent d’un handicap physique ou mental. Ce sont des garçons dans leur écrasante majorité, car l’orphelinat ne reçoit presque plus de filles. «Ne viennent ici que celles qui ne sont pas adoptables, qui sont malades ou handicapées», précise Samira Kaouachi, psychologue et directrice de l’orphelinat. Cela s’explique par le fait que «les mères abandonnent rarement les filles, elles sont plus dociles que les garçons et leur éducation est relativement plus facile. On ne reçoit que des filles dont la maman est en prison, en traitement psychiatrique ou des filles handicapées...». La Maison reçoit les enfants abandonnés, de parents connus ou inconnus, et les entretient dans l’attente de couples désireux d’adopter un enfant. «Même s’ils bénéficient de bonnes conditions, il manque à ces enfants pris en charge une chose très importante dans la vie, pour leur équilibre et leur formation : l’affection. Et cette dernière n’est possible que dans un foyer entre des parents affectueux, fussent-ils adoptifs. 70% de ces enfants sont pris en charge tous les ans par le biais de la kafala, et l’on aurait souhaité que ce soit plus. On aimerait que notre orphelinat ne soit qu’un centre d’accueil», regrette Mme Kaouachi.
Kafala et adoption, quelle différence ?
Contrairement à l’adoption qui existe dans d’autres pays, et que le Maroc ne reconnaît pas juridiquement, la kafala n’entraîne pas la filiation selon le droit marocain, ni l’héritage (Dahir n° 1.02-239 du 03/10/2002).
Contrairement à l’adoption qui existe dans d’autres pays, et que le Maroc ne reconnaît pas juridiquement, la kafala n’entraîne pas la filiation selon le droit marocain, ni l’héritage (Dahir n° 1.02-239 du 03/10/2002).
L’adoption entraîne tous les effets de la filiation comme l’octroi du nom de famille et le droit à l’héritage. Fidèle aux dispositions de la chariâa qui interdit «attabanni» (l’adoption), l’article 49 du code de la famille dispose que «l’adoption est nulle et n’entraîne aucun des effets de la filiation légitime. L’adoption dite de gratification (jaza) ou testamentaire (tanzil) n’établit pas la filiation paternelle et suit les règles du testament».
La kafala (qui veut dire prise en charge), quant à elle, consiste à ce qu’une personne (obligatoirement musulmane) prenne en charge, après avoir rempli certaines conditions et formalités, un enfant mineur et assure son entretien, son éducation et sa scolarité tout en le traitant comme s’il s’agit de son propre enfant. La seule différence avec l’adoption est que la kafala ne crée pas ce lien de filiation qui existe entre l’enfant et son géniteur, sachant que la loi régissant la kafala confère, dans le cas du Maroc, le droit au kafil de donner son nom au makfoul (l’enfant pris en charge) sans toutefois qu’il soit inscrit sur son état civil. La loi marocaine donne aussi le droit de la kafala à une femme, même si elle n’est pas mariée. Les enfants objet de la kafala sont, comme le précise la loi, ceux abandonnés par leurs parents, qu’ils soient de parents reconnus ou pas. Il s’agit d’un enfant, comme le mentionne cette loi, qui peut être fille ou garçon «n’ayant pas atteint 18 années grégoriennes révolues lorsqu’il se trouve dans l’une des situations suivantes : être né de parents inconnus ou d’un père inconnu et d’une mère connue qui l’a abandonné de son plein gré ; être orphelin ou avoir des parents incapables de subvenir à ses besoins ou ne disposant pas de moyens légaux de subsistance ; avoir des parents de mauvaise conduite n’assumant pas leur responsabilité de protection et d’orientation, en vue de le conduire dans la bonne voie, comme lorsque ceux-ci sont déchus de la tutelle légale ou que l’un des deux, après le décès ou l’incapacité de l’autre, se révèle dévoyé et ne s’acquitte pas de son devoir précité à l’égard de l’enfant». Le régime de la kafala existait bel et bien avant le nouveau code de la famille de 2004, et même avant 2002.
19:49 Écrit par OUTALHA dans MAROC, societe | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
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23/09/2012
L’ANNEE OU LE ROI A FAIT ENTRER LE MAROC DANS UN NOUVEAU PROCESSUS DEMOCRATIQUE
Nouvelle Constitution avec plus de pouvoirs pour le chef du gouvernement, une stricte conformité aux résultats des urnes et des procédures de fonctionnement des institutions mieux encadrées.
On ne peut évoquer l’année 2011 sans l’associer à la promulgation de la nouvelle Constitution. Naturellement, nul ne peut le contester, ce n’est pas un acte improvisé, c’est le cheminement d’un long processus de réforme et de démocratisation qui a démarré il y a un peu plus de 12 ans. C’est aussi et surtout une réponse à des doléances exprimées par le champ politique et la société civile depuis les premières négociations sur l’alternance, au début des années 1990. Ce 1er juillet 2011 marquait donc une nouvelle ère. Ses contours vont se préciser moins de trois mois plus tard avec l’organisation des élections, de loin, les plus transparentes et les plus crédibles qu’ait connues le Maroc. Tout au long de cette année, entre deux anniversaires de son accession au Trône, le Roi avait multiplié les signaux. Ainsi, et comme la Constitution le stipule, un membre du parti classé en tête des élections sera chef du gouvernement. Le Roi ira même plus loin en désignant le secrétaire général dudit parti au poste. La méthodologie démocratique est respectée à la lettre et elle l’était déjà dans les faits depuis 2007, avec le gouvernement de Abbas El Fassi. Le chef du gouvernement désigné présente, un mois plus tard, son équipe au Roi qui valide son choix le 3 janvier. Mais même désigné par le Souverain, le gouvernement fraîchement nommé ne s’est pas tout de suite mis au travail. La logique démocratique devrait être poussée jusqu’au bout et, même nommé par le Roi, le gouvernement n’est entré en action qu’après l’approbation du Parlement, le 18 janvier. Le Roi avait promis de laisser le jeu démocratique se mettre en œuvre, il a tenu promesse.
Aujourd’hui, seul le chef du gouvernement occupe l’essentiel de la scène politique. Rien ne l’empêche d’exercer les larges prérogatives qui lui ont été confiées par la nouvelle Constitution. Les Marocains ont eu l’occasion de s’en apercevoir, par exemple, au moment de la nomination du nouveau directeur général de la Sûreté nationale, Bouchaïb Rmaïl, le 7 février 2012, en remplacement de Charki Drais, promu ministre délégué à l’intérieur. La procédure a été suivie à la lettre, le ministre de tutelle a proposé le nouveau directeur de la police au chef du gouvernement qui lui même l’a présenté pour nomination au Roi.
Nomination ? D’abord la loi organique, comme le veut le texte suprême
La même procédure sera appliquée le 11 mai, à l’occasion de la nomination des walis et gouverneurs. Dans cette même logique, il fallait attendre la promulgation de la loi organique relative aux nominations aux hauts postes de la fonction publique avant d’entreprendre toute action en ce sens. Et le temps nécessaire aura été pris pour cela puisque le texte a fait des va-et-vient entre Parlement, Cour constitutionnelle, puis, à nouveau Conseil du gouvernement, celui des ministres…
Là encore le message est clair, le texte et l’esprit de la Constitution doivent être appliqués jusqu’au bout. C’est d’ailleurs sans doute pour cette raison que le Souverain a tenu à désigner en tant que conseillers d’éminents juristes comme Abdelatif Mennouni, l’ancien président de la Commission consultative de la révision de la Constitution et Omar Azziman, lui aussi ancien président de la Commission consultative sur la régionalisation.
Le gouvernement exerce pleinement ses attributions
La Constitution le stipule : chef de l’Etat et chef du gouvernement, chacun travaille désormais dans le respect des prérogatives de l’autre. Le Roi continue à s’impliquer dans les domaines qui lui tiennent à cœur, ceux du développement social à travers l’INDH. Mais également ceux des grands chantiers structurants. Des domaines qui dépassent, par leur portée aussi bien temporelle que stratégique, les cinq années du mandat d’un gouvernement. Le Roi reste l’arbitre, le recours mais également celui qui impulse la dynamique des grands chantiers de développement ou celle de l’évolution des lois régissant la société. On l’a vu avec Tanger Med, par exemple, on l’a aussi vécu avec la nouvelle Moudawana, en 2004 ou encore la réforme du Code de la nationalité, en 2007.
Autre changement à retenir, la cadence des conseils des ministres a été relevée. Nous sommes passés d’une moyenne de deux réunions par an en 2007, trois entre 2008 et 2010 à quatre pour les six premiers mois de cette année. Même si ces conseils sont, selon la Constitution, destinés à entériner des décisions, textes ou plans d’ordre stratégique, le Roi, conscient des enjeux de transition pour un premier gouvernement, chapeauté par un parti sans expérience dans l’Exécutif et qui s’essaie aux nouveaux pouvoirs qui lui sont conférés, tient à accompagner la dynamique.
Enfin, autre message sans doute précurseur de la future installation du régime de la régionalisation avancée, ces conseils se tiennent désormais en dehors des habituelles capitales administrative et économique. Le Roi se réunit désormais avec les ministres, qui exercent désormais, tous, sans exception, pleinement leur attribution, à Nador comme à Oujda. Il n’hésite pas non plus à donner un coup de pouce à l’un d’eux quand la volonté de changement est sincère et manifeste. Cela a été le cas, il y a quelques semaines, lorsqu’il a donné son approbation et reçu les membres de la Haute instance du dialogue social sur la justice dont les membres ont été désignés par le ministre de la justice et des libertés.
Au final, le Maroc est entré dans une autre ère, celle où le Souverain a recadré les rapports entre les institutions tout en veillant à demeurer cet arbitre suprême auquel le recours est nécessaire quand les enjeux politiques, économiques ou sociétaux risquent de faire les frais de la subjectivité du politique. Il reste également, le Commandeur des croyants : vital, en ces temps de radicalisation à tout-va.
10:16 Écrit par OUTALHA dans MAROC, Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
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