LES MEDIAS ET LE MOYEN-ORIENT (29/11/2012)
« Le Moyen-Orient dans les médias » était le thème d’un débat organisé par l’École d’Automne de l’École de Gouvernance et d’Économie de Rabat (EGE).
Parmi les intervenants, Alain Frachon, journaliste au Monde et Abdel Wahab Baderkhan, ancien rédacteur en chef d’Al Hayat.
Sami Al Ajrami est le seul journaliste palestinien à couvrir la guerre à Gaza pour des médias israéliens. Correspondant pour le quotidien Maariv, Al Ajrami a toujours tenu à faire son travail journalistique avec la plus grande objectivité possible. Il n’utilise ni les termes « criminels sionistes » ni « terroristes » et refuse de qualifier l’armée israélienne d’armée de « défense ». « Je peux donner l’information de manière humaine et compréhensible à mon public israélien », déclare-t-il au site d’information américain, The Daily Beast. De part l’audience à laquelle il s’adresse, Sami Al Ajrami considère qu’il ne peut se permettre de parler uniquement des Israéliens ou des Palestiniens. « Je compare les deux misères », explique-t-il. Pourtant, depuis que sa fille âgée de 9 ans a été blessée suite à un raid israélien et qu’on a dû lui amputer trois doigts le 15 novembre dernier, l’avis du journaliste semble évoluer. C’est pourtant uniquement grâce au réseau professionnel du journaliste en Israël que sa fille a pu se faire soigner dans un hôpital israélien. Au-delà du cas exceptionnel de Sami Al Ajrami, qu’il s’agisse de journalistes arabes ou occidentaux, le Moyen-Orient reste un sujet délicat. La couverture médiatique de la région était le thème d’une des conférences de l’École d’Automne de l’École de Gouvernance et d’Économie de Rabat (EGE) mercredi dernier. Le panel a réuni un journaliste français, Alain Frachon du Monde, et un journaliste panarabe, Abdel Wahab Baderkhan, ancien rédacteur en chef d’Al Hayat.
Groupes de pression
Abdel Wahab Baderkhan indique que les médias panarabes permettent une certaine audace et transcendent les autorités nationales. « Il est clair que les groupes de pression existent. Rien n’est écrit, mais implicitement, à Al Hayat, nous savions qu’il ne fallait pas se mettre à dos les autorités saoudiennes. Mais, malgré cela, nous avons tout de même réussi à dépasser les limites habituelles de la presse nationale », se félicite-t-il. Pour Baderkhan, la presse panarabe a encouragé la création de médias transnationaux et a largement influencé les lignes éditoriales des médias nationaux. Pour Alain Frachon, par contre, le principal groupe de pression est le journaliste lui-même, son identité et ses convictions. Le journaliste insiste sur « le souci d’être contradictoire et de se forcer à penser contre soi-même ». Mais n’est-ce pas là le minimum requis dans tout travail journalistique ? Pour cet ancien correspondant du Monde à Téhéran et Jérusalem, la principale difficulté semble être son manque de connaissances de la région. « Il a fallu que je m’adapte à ces sociétés et que je m’identifie aux personnes qui les composent afin de comprendre un environnement qui ne m’est pas familier. Il serait plus facile pour moi de couvrir l’Europe. C’est un environnement que je connais mieux. » Mais ne serait-il pas plus difficile de « penser contre soi » dans ce cas ?
Polyphonie médiatique
La question demeure sur ce qui fait la particularité de la région et rend son traitement médiatique plus délicat. Une possible explication serait celle de la complexité et de la diversité des sociétés qui composent la région. Et c’est justement ce que certains médias occidentaux omettent lorsqu’ils considèrent la région comme un seul bloc monolithique. Les erreurs fréquentes de localisation des pays sur carte par des chaînes comme Fox News n’en sont que les exemples les plus flagrants. Donnant l’exemple de l’Agence France Presse, Alain Frachon affirme que « bien que l’agence emploie des journalistes locaux, le récit de l’AFP demeure un récit français de l’actualité. Il est bon de confronter le récit occidental à un autre récit. L’Occident n’a plus le monopole des médias. On est passé d’un état de monophonie à celui de polyphonie médiatique ». Pour Frachon, l’émergence de récits alternatifs, à travers des chaines comme Al Jazeera, est tout aussi bénéfique à la région qu’à la profession.
09:52 Écrit par OUTALHA | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
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