France. Qui a peur des étrangers ? (09/12/2011)
À l'approche de grandes échéances ou face à de grandes crises (banlieues etc.), engageant un tant soit peu la question identitaire, la France semble prise de spasmes et de contractions violentes. Un peu comme si elle voulait extirper de son être des corps malades : les étrangers. Cette fois-ci, sur fond d'enjeux électoraux, deux faits ont marqué les esprits. Les récents propos de Nicolas Sarkozy et le livre tapageur de Philippe De Villiers sur l'infiltration islamiste dans les aéroports intitulé Les mosquées de Roissy (Albin Michel), paru mercredi 26 avril.
Nicolas Sarkozy n'a pas son pareil pour créer des polémiques. A Paris, devant les nouveaux adhérents de l'UMP, il a lâché : “S'il y en a que cela gêne d'être en France, qu'ils ne se gênent pas pour quitter un pays qu'ils n'aiment pas”. Le patron du parti majoritaire a fait un tabac et a obtenu l'effet souhaité dans le microcosme politique. Le président de l'UMP défend plus que jamais sa vision d'une immigration “choisie” qu'il présente comme le gage d'une intégration réussie.
Cet argumentaire destiné à amener dans le giron de l'UMP tous les électeurs des partis extrêmes, de droite (FN) et les déçus de gauche (PCF), a ravi toute la droite mais n'a pas manqué de faire bondir la gauche. François Hollande, le Premier secrétaire du Parti socialiste, estime que “la droite essaie d'aller sur des registres qui sont ceux de la peur, de l'affrontement”.
Sarkozy se repositionne
La petite phrase de Sarkozy était calculée. Après avoir plaidé pour le retrait du CPE et poussé au dialogue les syndicats, l'homme a voulu durcir son discours une fois la crise passée. Sarkozy est dans une perspective électorale de rassembleur. Il a voulu se repositionner en personnage de la droite durel. Le chef de l'UMP a décidé, pour soigner sa cote, de momentanément troquer ses idées de droit de vote aux étrangers, de discrimination positive et de nomination d'un préfet musulman, contre le thème peu amène de l'immigration sélective.
Les mosquées de Roissy
Dans ce climat de surenchère électorale, Philippe de Villiers publie un ouvrage intitulé Les Mosquées de Roissy, dans lequel il affirme que des islamistes ont infiltré les différents services des grands aéroports et menacent la sécurité du transport aérien.
Le livre a été critiqué à gauche comme à droite, même par le FN que souhaite au fond concurrencer De Villiers. Dalil Boubakeur, recteur de la grande Mosquée de Paris, demande “la vérité sur cette affaire”. Enfin, le magazine Liaisons sociales, dont se serait inspiré De Villiers, a protesté contre l'instrumentalisation de l'un de ses dossiers.
Les enjeux de mémoire
À droite, historiquement, la question identitaire, à travers l'immigration et l'islamisation, a, depuis les années 1980, été brandie dans les élections comme un épouvantail car elle a un impact électoral immédiat.
A gauche, en revanche, ces sujets sont tabous.c'est silence radio.
La vraie question au fond n'est-elle pas : que signifie aujourd'hui être français ? On dirait que cette question est devenue maudite, un nœud de questions taboues auxquelles nul n'ose répondre. La droite répond par la peur du déclin. Alors elle s'arc-boute, s'accroche à la culture nationale et renvoie l'image d'un pays originel, pur et français. Mais la France a peur de disparaître, d'être engloutie par un magma informe, par une Europe qui l'avalerait puis par la mondialisation qui verrait triompher les valeurs du multiculturalisme. La France traverse une grave crise d'identité. A un an de l'élection présidentielle, nul doute : le débat prend une dimension historiquement inédite.
2010
10:22 Écrit par OUTALHA | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
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